Service de Presse
Pour ce nouveau roman, sous le label Verso des Editions du Seuil, Romain Lucazeau nous montre une nouvelle fois son attrait pour les anciennes civilisations. Si vous vous souvenez de Latium, vous vous souviendrez notamment que dans ce space-opera très lointain temporellement que ce futur était largement inspiré d’une société greco-romaine.
Pour ceux qui suivraient l’actualité de l’auteur, vous aurez aussi pu remarquer que Vallée du Carnage n’est pas la seule nouveauté en parution fin septembre puisque, sous le même label, vous avez pu découvrir Langage Machine… Autant vous que les deux n’ont rien à voir !
Une uchronie antique…
Le monde antique tel que nous l’avons connu ne s’est pas écroulé et cela a pour conséquence naturelle que le monde actuel n’a rien à voir avec le nôtre dans ses équilibres géopolitiques. De façon à nous aider à comprendre les forces en présence, une carte est proposée au début du livre, localisant non seulement les différents territoires (Ligue des cités pélagiques de l’ouest, royaume perse, …) mais aussi les lieux de l’intrigue et la localisation des personnages.
Si les anciennes sociétés ont survécu aux affres de l’histoire, les différents états se sont développés technologiquement, et les états peuvent autant s’appuyer sur la menace nucléaire que sur des hommes augmentés pour atteindre les objectifs.
Coincé entre l’empire Han (plaque Asie) et la ligue des cités pélagiques qui couvrent, pour faire simple, le pourtour méditerranéen, l’empire perse tente d’exister, sous la main de fer de son roi Orode. De façon à étendre son empire, il n’hésite pas à envoyer son fils Pacorus à la tête d’une force d’invasion avec pour objectif de conquérir la cité libre d’Ecbatane. La question qui se pose sera de savoir comment vont réagir les différentes forces en présence entre neutralité et acceptation de l’annihilation d’une population ou sursaut humanitaire.
Romain Lucazeau va nous permettre de découvrir cet étrange futur au travers d’une galerie de personnages qui vont jouer leur vie et la vie des autres dans un enfer de tous les instants.
…avec des personnages forts…
A commencer par le roi Orode qui a permis à l’empire perse de pouvoir s’étendre, que ce soit par la force ou par des alliances. Mais le roi des rois vieillit ; sa fin est proche et quoi de mieux qu’un dernier coup d’éclat pour lui permettre de rester à jamais dans l’Histoire avec un grand H ? Pour cela, il sait pouvoir s’appuyer sur son fils Pacorus qu’il a envoyé à la tête de l’armée d’invasion à Ecbatane. Les moyens mis en oeuvre pour conquérir la ville sont immenses : vaisseaux géants et technologie ne peuvent qu’écraser ce petit peuple qui résiste alors que leur défaite est inéluctable. Pourtant, sur place, Ormène, comme les autres soldats locaux, n’abandonnent pas. Jours après jours, ils repoussent les assauts de l’ennemi et se battent pour garder leur cité libre.
Détruire l’humanité d’une victime constitue la vraie conquête
C’est peut-être pour cela que Sillace, le conseiller du Roi Orode sent que le vent est en train de tourner et s’inquiète de plus en plus sur l’avenir du Royaume, tout en restant prêt à tout pour maintenir le statu quo… Ce qui ne semble plus être tout à fait le cas de d’Ormuzd, en charge du complexe spatial qui permet, notamment, de maintenir une pression sur le monde dans sa globalité grâce aux missiles nucléaires.
Ils ne sont pas les seuls acteurs et seules actrices de ce drame international qui se dessine, on retrouvera aussi Suréna, deuxième fils d’Orode, général lui-même mais moins intéressé par les combats qu’il ne le fut ; Hiarras, soldat d’élite carthaginois qui jouera un rôle essentiel dans la résistance à venir ou encore Temülün, captif.ve d’un bordel pour le plus grand plaisir des soldats
… pour un roman violent et d’actualité !
Reste que le roman que nous propose Romain Lucazeau tape dur… Très dur… Alors que j’avais eu le sentiment dans Langage Machine, que l’auteur nous appelait à percevoir la beauté de notre monde technologique, j’ai l’impression ici d’y voir un désespoir tant ce futur est violent.
On ne peut pas oublier à la lecture de ce roman que Romain a participé à la Red Team, expérience militaire pour imaginer les guerres de demain. Ce roman imagine des guerres avec des équipements ultra-modernes, que ce soient les hommes augmentés ou encore les véhicules géants qui permettent un avantage certain.
Mais ce qu’il restera surtout, c’est cette violence, page après page qui rend le récit tellement dur… Meurtres, torture, viols sont omniprésents, jusqu’à saturation, rappelant qu’il n’existe pas de guerre propre, même avec une technologie avancée. On se rappelle que le meilleur moyen de briser un peuple reste de le soumettre, de lui enlever son identité.
Il rappelle aussi l’importance et la place que prennent les « administratifs » des régimes autoritaires, le poids de leur responsabilité dans les actes inhumains qui se déroulent.
Les brutales conquêtes d’Orode ont donné naissance à une caste de fonctionnaires compétents et réfléchis, à la parole pondérée et aux prévisions exactes. Leur labeur sans fin, leur expertise, transforment en produit intérieur brut l’assujettissement des peuples, la destruction de millions de vies, le désespoir.
Bien sûr, le monde qui est décrit n’existe pas, nous sommes dans la SF. Cependant, les attaques que subissent les populations de la Cité-Etat d’Ecbatan feront naturellement écho dans notre monde à la situation ukrainienne. La résilience de la population et le manque d’implication des états neutres rappellent les drames qui se déroulent dans le monde. Car il est évident que ce récit restera intemporel… C’est bien ce qui est finalement le plus violent dans l’histoire.
On notera aussi la forme du récit, une forme s’appuyant sur le tutoiement qui rend l’histoire encore plus proche…
Editions du Seuil (27 septembre 2024) – Verso – 444 pages – 9782386431227
Couverture : Morgan Sorensen
ET SI L’ANTIQUITÉ N’AVAIT JAMAIS PRIS FIN ?
Et si Orode, Roi des Rois et tyran perse, décidait d’envahir la cité libre d’Ecbatane et menaçait l’Occident avec son arsenal nucléaire ?
Et si Carthage, première puissance mondiale, mobilisait son armée high-tech pour faire plier l’agresseur ?
Et si cette guerre sans limite, sans morale et sans droit, n’était pas une histoire mais un futur possible ?
Une réponse à “Vallée du Carnage de Romain Lucazeau”
[…] Romain Lucazeau pour Langage Machine et Vallée du Carnage, […]