Les joies de la traduction et de l’édition font que Vurt (1993) sort en français après Pollen (1996). Petite inversion qui n’a pas de grandes conséquences, si ce n’est que Vurt est tout de même bien plus abordable. Il est moins construit (Pollen est d’une efficacité redoutable sur le plan de la contruction, presque trop), mais l’univers est beaucoup plus accessible, moins dense. Disons que Jeff Noon y présente une partie de son univers qui n’est pas encore développé sous toutes ses coutures. Pas de mention du virus Fécondité (dommage) qui explique pourtant énormément de choses dans ce monde, et les zombies ne sont qu’une idée qui apparaît entre deux pages (par contre, on notera une vraie et bonne description de Bottletown). Ce livre est celui de la genèse d’un Manchester d’une autre réalité. Par rapport à la densité du monde de Pollen, je dirais que c’est un repos bienheureux et fort appréciable.
Jeff Noon nous présente donc un univers farfelu basé principalement autour des plumes Vurt, qui sont une matérialisation du rêve (ce qui est plus net et plus clair dans Pollen). Enfoncez une plume Vurt dans votre bouche et vivez un rêve. La couleur de la plume définit le contenu du rêve (le niveau ?). Ces rêves peuvent être mixés, transformés. Il y a dans cette présentation de la substance Vurt quelque chose très clairement de l’ordre du film, de la musique, ou plutôt du jeu vidéo (les rêves ont une touche « échap », étrange, non ? Petite digression : Vurt pour Virt(uel) ? aha, très fort, ce Jeff Noon) avec immersion totale à la clé, et pas en option. Dans les plumes jaunes, on peut réellement mourrir.
Dans un Manchester qui a quelque chose de hippie-techno-punk, Scribble, membre des Chevalier du Speed (entre le squateur looser paumé et l’artiste) cherche à retrouver sa soeur Desdémone, perdue dans le Vurt. Elle a été échangée lors d’un « bad trip », dirons-nous, contre sa valeur équivalente en rêve, personnifiée par un alien gélatineux plein de tentacules. Scribble doit donc à la fois percer le mystère de la plume English Voodoo dans laquelle il a perdu sa soeur, comprendre le système d’échange, espérer rendre la Chose contre Desdémone, mais aussi comprendre un peu plus ce qui se passe dans le Vurt.
Le récit manque un peu de structure, mais suivre les affres de la petite bande de Scribble reste très agréable, avec quelques grandes figures : Beetle et Tristan, entre autres. Vurt est moins hautement hallucinogène que Pollen. « Moins » ne veut pas dire « pas ». Disons qu’il y a toujours des passages où on se demande si on n’a pas raté des mots, des phrases. On se retrouve en plein rêve. C’est quasi-magique et extrêmement déroutant, mais c’est le but.
Juste deux bémols : dans Vurt, nous avons Maître Chat qui distille sa science sur les plumes, dans Pollen, nous avons Gombo Yaya, la radio pirate compteuse de grains de pollen. Si Jeff Noon pouvait nous épargner les grand-manitous-je-sais-tout-et-toi-tu-es-nul pour un prochain volume (que j’espère ardemment), ce serait agréable.
Ensuite, la relation incestueuse entre Scribble et Desdémone me gêne vraiment. Je suis peut-être vieille France, mais ça me dérange énormément. Et ce n’est pas réellement utile dans le récit.
La Volte – (2006)– 350 pages 22.00 € ISBN : 2-9522217-5-8
Traduction : Marc Voline
Dans les rues de Manchester, battues par la pluie et infestées d’ombreflics, errent les Chevaliers du Speed, une bande de déjantés accros aux plumes Vurt, la meilleure drogue qui se puisse rêver.
Comme dit Maître Chat, cependant, soyez prudents, très prudents. Ce voyage n’est pas pour les faibles.
Mais Scribble n’en fait qu’à sa tête.
Il recherche la plume Vurt ultime, mythique – une enquête qui le mènera au-delà des frontières de l’amour et de lui-même, sans espoir de retour.
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