Retrouvez l’actualité des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction, Fantastique, Fantasy, et autre) ainsi que des interviews de celles et ceux qui les construisent.

Rencontre avec Aurélien Police

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Désormais connu pour les illustrations de nombreux livres dans les littératures de l’imaginaire, Aurélien Police a illustré Juste un peu de Cendres, un comics à la française scénarisé par Thomas Day… Nous vous proposons d’en découvrir plus sur Aurélien.

Bonjour Aurélien, pourrais-tu pour commencer te présenter à nos lecteurs ?
Je suis illustrateur indépendant depuis presque 15 ans maintenant. Je travaille essentiellement pour l’édition, réalisant des couvertures pour des romans touchant aux différents genres de l’imaginaire : science-fiction, fantastique, fantasy, steampunk… Il m’arrive également de travailler dans le milieu de l’événementiel mais aussi de la musique et, désormais, de la bande-dessinée.

Avant de parler de Juste un peu de Cendres, j’aimerais que nous revenions un peu sur l’aspect « illustrations » : comment choisis-tu une couverture pour un roman ?
Tout commence par un brief ou un petit échange de mails avec l’éditeur, s’ensuit alors la lecture de l’ouvrage en question (lorsque l’éditeur me l’envoie, ce qui n’est pas toujours le cas). C’est vraiment à partir de là que je vais chercher à me laisser imprégner par le texte, au sein de ses 100/150 premières pages, parfois plus lorsque rien ne s’impose de façon évidente. Je cherche davantage à illustrer l’idée du texte – son essence en quelque sorte –  plutôt qu’un personnage ou un moment précis. C’est une approche évidemment très subjective, mais que je trouve, concernant mon travail, plus pertinente que la volonté d’être absolument fidèle visuellement parlant.

Tu as participé il y a quelques années à la réalisation d’Europole pour Mnemos : que retiens-tu de ce projet ?
J’en garde de bons souvenirs, même si la réalisation de l’ensemble des documents, illustrations, fausses publicités, affiches, a dû se faire dans un laps de temps assez resserré. Avec un tel univers à disposition, on veut forcément faire les choses correctement et l’envie de peaufiner davantage telle ou telle chose n’est pas toujours compatible avec le calendrier fixé. Il faut savoir faire des choix.

Si nous parlons de « Juste un peu de Cendres » maintenant, qui est paru il y a quelques semaines, la première question qui me vient est : comment est née l’idée de cette collaboration ?
C’est Thomas Day qui est venu me chercher. Après avoir vu son roman La Voie du Sabre adapté en BD, il avait lui-même déjà mis le pied dans le milieu en tant que scénariste avec sa série Wika. Connaissant mon travail pour l’édition (et pour cause, il est aussi l’un des éditeurs pour lesquels je travaille régulièrement), il a donc dû penser que j’avais les capacités pour cela, chose que j’ignorais totalement, il faut bien le dire. Même si j’apprécie évidemment la bande-dessinée, j’en lis finalement assez peu et je ne m’étais jamais vraiment projeté dans l’idée d’en faire. Une fois convaincu, nous avons commencé à discuter de nos envies respectives. Initialement, nous devions réaliser l’adaptation d’un classique de la littérature fantastique américaine, mais pour des raisons de droits encore en cours de négociation, nous avons rapidement compris qu’il fallait rebondir sur autre chose. Cette autre chose s’est révélée être Juste un peu de Cendres, histoire que Thomas Day, après quelques échanges entre nous, a assez rapidement imaginée puis scénarisée.

Dans ce comics, le choix d’une héroïne qui avait jusque-là une vie heureuse était-il une évidence ?
Cela fait partie des choses que Thomas voulait développer dans cette histoire, à savoir un personnage « normal » issu d’une famille « normale » et qui va se retrouver au centre d’un bouleversement majeur mais dont il n’aura, au final, qu’une vision parcellaire et surtout dont il sera, de bout en bout, l’un des rares à avoir conscience. Le cinéma et les romans regorgent de personnages extraordinaires tous plus uniques les uns que les autres. Avec Ashley, Thomas voulait voir comment on pouvait mettre en scène un tel personnage et les implications et conséquences que cela pouvait avoir sur l’histoire et la façon de la raconter. A mon sens, le personnage n’en est que plus crédible et attachant.

Dans la réalisation, nous voyons ces cendres à toutes les pages, le format graphique est surprenant : même si tu expliques tout à la fin, peux-tu nous dire plus sur la construction des pages et ta méthode de travail ?
Mes illustrations pour les couvertures de roman, mais aussi pour Juste un peu de Cendres, sont un mélange de dessins et de peintures numériques, de photos, de 3D… C’est un vaste mélange où tout ne fait finalement plus qu’un. Rien n’est jamais totalement dessiné, rien n’est jamais totalement photographié. Pour les cendres omniprésentes dans l’album, et comme je l’explique dans les bonus en fin d’ouvrage, il s’agit des feuillets du premier jet du scénario de Thomas Day que j’ai brûlé avant de le photographier. Bien entendu, le tout a ensuite été retravaillé sous Photoshop. Quant à la construction de mes planches, je laisse libre cours au hasard. Je ne planifie que très peu mon travail, préférant de loin la surprise du processus, les idées qui jaillissent d’elles-mêmes, stylet en main.

Comment cela se passe-t-il : vous travaillez dans une même pièce avec Thomas Day ou vous travaillez à distance ? Est-ce un travail synchrone entre script et illustrations ou asynchrones ?
Même si nous nous voyons de temps en temps, tout s’est quasiment fait à distance. Le scénario était déjà très avancé lorsque j’ai véritablement débuté le travail sur la première partie. Le prologue, lui, avait déjà été réalisé depuis un bon moment puisqu’il nous a servi de « crash test » auprès de Glénat lorsque nous avons monté le dossier de présentation. Nous avons bien entendu eu quelques échanges en cours de route au sujet de mes planches, mais Thomas Day m’a laissé toute liberté quant à ma façon de faire. C’est plus avec mes éditeurs, Benoît Cousin et Olivier Jalabert, que nous avons discuté de ce qui allait ou de ce qui n’allait pas.

Que retires-tu de cette collaboration ?
Beaucoup de choses… Notamment que réaliser un album demande un effort et un engagement sur la durée dont j’étais très loin d’imaginer l’ampleur. Mais qu’il représente aussi un formidable espace de liberté d’expression. C’est très cliché de dire cela, sans doute, mais j’ai véritablement pu y mettre tout ce que je souhaitais y glisser sur le moment. Ce que j’en retiens également, c’est ce langage que je ne connaissais pas, celui de raconter quelque chose en cases successives. Je viens de l’illustration, de l’image seule qui se doit de raconter beaucoup de choses en un espace réduit, celui de la couverture. J’ai donc dû désapprendre tout cela pour fluidifier ma narration visuelle, pour l’inscrire dans la durée de la lecture.

J’imagine que tu as des projets plein la tête, y-en-a-t-il certains qui sont sur le point d’être finalisés ?
Je poursuis mon travail d’illustration auprès de mes différents éditeurs ainsi que pour certains musiciens, mais le plus gros projet à venir concerne de nouveau la bande-dessinée puisque Thomas et moi sommes déjà repartis sur autre chose, un diptyque cette fois, et toujours chez Glénat. Il s’agira d’une adaptation très très libre d’un classique du fantastique anglo-saxon… Je ne peux en dire plus le moment, mais je sais d’ores et déjà que cela risque fort de m’occuper pour les trois années à venir, minimum…

Que peut-on te souhaiter pour 2018 ?
Que l’année en dure trois ? Ce serait pratique.

Comme il s’agit d’une tradition chez nous, je te laisse le mot de la fin :
Je vais faire très original : merci !
 


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