Orcusnf :Bonjour Thomas, avec ce nouveau roman, que l’on peut prétendre bien meilleur que le premier, et des nouvelles de plus en plus nombreuses, tu t’inscris désormais dans le cercle fermé des auteurs de la nouvelle génération, on peut donc légitimement espérer te revoir un de ces jours en librairie ?
Thomas Géha :D’abord c’est très aimable de ta part de penser que Alone contre Alone est supérieur au premier tome. Ensuite, pour ce qui est de rentrer dans un cercle fermé d’auteurs, je ne crois pas. J’ai encore tout à prouver, et ce n’est sans doute pas la parution de Alone contre Alone qui y changera quoi que ce soit. Par contre, effectivement, j’essaie de m’améliorer à chaque histoire que j’écris. Et j’espère bien sortir encore quelques livres.
Orcusnf :Avec Alone contre Alone, l’hommage à Gilles Thomas devient on ne peut plus évident. Une île paradisiaque, des mutants télépathes, des méchants bien armés et venant d’Afrique, des gentils ayant préservé un peu de civilisation, et des alones plus vraiment…alone, tu n’as jamais eu peur de sombrer parfois dans le recopiage ?
Thomas Géha :L’île est un clin d’oeil à celle de l’Autoroute Sauvage (Porquerolles). Pour le reste, c’est du hasard. Qu’il y ait quelques ressemblances est une évidence ; mon univers est un hommage à celui de Gilles Thomas. On y retrouve donc certains codes. Mais un tas d’autres choses s’en démarquent aussi. Je ne me suis pas posé la question du copiage pour la simple et bonne raison que c’est rigoureusement interdit par la loi (hihi) et parce que j’estime avoir suffisamment d’imagination et de recul pour me passer de ça. Après, je ne suis pas à l’abri de quelques réflexes pavloviens.
Orcusnf :En rassemblant toute la galerie de personnages rencontrés dans le tome 1, tu voulais en finir avec la série ou alors Pépé va encore rencontrer des supers méchants dans de prochaines histoires ?
Thomas Géha :A comme Alone posait certains indices, certains personnages, certaines situations. Le tome deux se sert de tout ça. Normal que la « galerie » de personnages soit au rendez-vous. Ensuite, effectivement, je n’ai pas prévu de troisième tome. Il me fallait donc tout conclure dans celui-ci. Par contre, je compte écrire une novella dans cet univers qui racontera la jeunesse de Grise ; une novella que j’aimerais inclure dans un projet de recueil de nouvelles.
Orcusnf :Tu ne ferais pas une fixette sur les couteaux de jet de Pépé ? Une fois qu’il les a lancés, on a l’impression qu’il est désarmé, alors même qu’il a un troisième couteau dans le dos, mais qu’il ne s’en sert jamais, alors oubli ou fixation ?
Thomas Géha :Ce sont ses armes principales. La troisième lame n’est là qu’en cas d’extrême urgence. Je te signale quand même qu’il utilise d’autres armes au fur et à mesure de ses aventures !
Orcusnf :Une fois de plus, j’ai vraiment l’impression que les alones sont les vrais fauteurs de troubles dans l’histoire. Alors que des groupes essayent de reconstruire un peu de civilisation, ils viennent toujours tout renverser. Certes les Rasses sont souvent dirigés par un dictateur, mais ça n’explique pas tout. Alors, n’aurais tu pas une vision un peu anarchiste ?
Thomas Géha :Je ne trouve pas que les alones soient les fauteurs de trouble. Au contraire, ils subissent des événements générés par les actes de rasses. Comme ceux d’Argento par exemple. Si tu penses à Wonoqo, il n’est que l’instrument d’une force supérieur. Quant à Pépé, il est obligé de créer des alliances contre-nature parce qu’il n’a pas le choix, s’il veut parvenir à ses buts. Mes personnages seraient restés bien peinards sur leur île si personne n’était venu les emmerder. Après, effectivement, ils ont un code de l’honneur et une mentalité particulière qui les poussent à agir et réagir ; ils ne se laissent pas manipuler facilement et peuvent faire imploser des groupes si ces groupes vont à l’encontre de certains désirs. Quant au côté anarchique, c’est sûr. Il y a eu l’apocalypse, et c’est un peu chacun pour soi.
Orcusnf :D’ailleurs, si Wonoqo était le héros de Alone contre Alone, Pépé ne serait-il pas le méchant de l’histoire ? Au fond, leur lutte n’est il pas qu’un affrontement idéologique entre deux manières radicalement opposées de reconstruire le monde ?
Thomas Géha :Bon, ça je te l’accorde en partie. Pépé est poussé dans ses actions par des motifs personnels. Certains personnages en arrivent même à douter d’être du bon côté de la barrière, s’il y en a un. Cela dit, pas sûr que Pépé ait des envies de « reconstruire le monde ».
Orcusnf :On peut aussi voir un véritable souci de cohérence, ce qui n’était pas forcément le cas du premier tome, puisque désormais Pépé se justifie de connaissances qu’un individu comme lui n’est pas censé avoir. Il fait par exemple référence à un livre sur les pirates, alors que dans A comme Alone, il ne mentionnait rien, à quoi est dû ce revirement ?
Thomas Géha :Il n’y a pas de revirement. Pépé aime la lecture, il le dit à plusieurs reprises dans A comme Alone. La preuve, quand il passe à Rennes, il s’arrête dans une librairie à l’abandon et récupère plusieurs livres. C’était peut-être moins présent dans le premier tome, mais il faut dire qu’il était beaucoup plus court.
Orcusnf :Je vais maintenant revenir sur une phrase de A comme Alone qui m’a marqué en le relisant «Quand des types savent qu’ils n’ont a priori pas besoin de penser à sauver leur peau à chaque minute de leur existence, ça laisse du temps pour l’évolution, la création. La civilisation avait permis tout cela.» ( à propos des romans et des BDs) Cette phrase sonne un peu comme un paradoxe, puisque les alones sont justement des individus dont l’unique but est la survie, et qui dans leurs moindres gestes, montrent leur peu d’attachement aux projets et à la préservation. Ils n’ont donc aucun avenir, aucun futur possible, alors comment expliquer leur prolifération ?
Thomas Géha :Et bien je crois que la réponse est toute bête : quand un cataclysme arrive, il y a beaucoup d’orphelins. S’ils sont élevés comme des solitaires, ils développent des mentalités de solitaires. Ca ne veut pas dire qu’ils n’ont pas d’avenir. Ils ont un avenir qui leur est personnel, qui est juste différent du tien et du mien. Ils n’ont sans doute pas les mêmes valeurs que nous, c’est tout. Les alones n’ont pas non plus une notion de vie métro-boulot-dodo comme nous pouvons l’avoir. Leur futur est peut-être bien plus libre que le nôtre, quoique plus incertain je te l’accorde.
Orcusnf :Sinon, il est étrange de voir l’obsession de Pépé pour le sexe, et pourtant, il n’y a aucune description de scène érotique, pourquoi cette réticence ?
Thomas Géha :Je n’aime pas écrire des scènes de sexe. Je n’en voyais pas vraiment l’intérêt dans mes romans, je préfère donc rester allusif, voire effleurer le sujet avec un brin d’humour aux moments où il me paraît utile de le faire.
Orcusnf :Il y a quelques semaines, en lisant le premier roman de Jess Kaan, Réfractaires, je me suis fais la réflexion que vous étiez tous les deux des auteurs régionaux, puisque vos histoires se passent tous les deux dans les régions où vous habitez. Lui dans le Nord, toi en Bretagne, qu’en penses tu ?
Thomas Géha :Euh, j’en pense que t’as raison : Jess est nordiste et moi breton. Plus sérieusement, j’imagine qu’on est comme tous les auteurs, on se sert de ce qui nous entoure et qu’on connaît. Nos régions respectives font partie de notre culture.
Orcusnf :Je me suis fait une réflexion qui n’avait pas lieu d’être avec A comme Alone, mais est ce qu’un roman post-apo comme Le monde enfin de JP Andrevon a eu une influence sur l’écriture de Alone contre Alone, notamment dans la place prépondérante qu’y prend la nature ?
Thomas Géha :Jean-Pierre Andrevon est un maître. Mais son recueil n’a eu aucune influence sur Alone contre Alone. J’en profite quand même pour dire qu’un de mes romans favoris s’intitule Le travail du Furet. Les autres influences pourraient plus certainement venir d’auteurs comme Wul, Simak, ou Richard Cowper.
Orcusnf :Il y a quelques mois, tu me parlais de ta volonté de créer une maison d’édition, où en est ce projet ambitieux ?
Thomas Géha :Elle est en cours de création. Ca va s’appeler « Ad Astra éditions » (titre en hommage à un recueil de poésies « cosmiques » de Théo Varlet). Mes trois premiers titres seront un space-opera de PJ Herault, un roman de fantasy de Jean Millemann, et une anthologie sur les contes revisités dirigée par Lucie Chenu. Les premières illustrations de couverture seront signées Eric Scala. Et un site internet verra bientôt le jour. Pour l’instant, il n’est pas utile d’en dire plus. Mais on pourra toujours en reparler en temps et en heure, bien sûr 🙂
Orcusnf :Quel sera le mot de la fin ?
Thomas Géha :Lisez La Route, de Cormac McCarthy, ça c’est du post-apocalyptique !
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