Service de Presse
Jours de sang est le second roman de Sue Rainsford paru aux Editions Aux Forges de Vulcain, après Jusque dans la terre. L’autrice avait abordé ce second titre lorsque de l’interview faite durant l’été 2022. Il est à noter que si le titre est évocateur, faisant penser aux menstruations, ce qui est cohérent avec le contenu du récit qui est encore très attaché au corps et à ses composantes…
Mais que s’est-il passé ?
Il s’est passé quelque chose, c’est indéniable. La première rencontre avec Koan, au travers de son journal, nous donne le ton. Le rouge se répand : il se répand dans la nature, dans les strates, sur les végétaux mais aussi sur les animaux et comme cela semble une évidence, jusqu’aux bipèdes et donc l’humanité. Les changements sont subtils, mais ils annoncent un changement.
C’est probablement cette pandémie qui fait qu’Anna et Adam, deux jumeaux, se retrouvent isolés du monde, alternant la garde, l’une la journée, l’autre la nuit, tout en gardant un oeil sur Koan, qui a construit cette communauté. Parce qu’il était important de se mettre à l’abri de cette pandémie qui a frappé la planète. Vengeance de la Terre vis-à-vis de ceux qui l’ont maltraité ou simple évolution de l’espèce, difficile de le dire puisque l’autrice reste très discrète sur les événements.
Pour autant, il reste une Tempête à venir, attendue et crainte en même temps, qui justifie en partie la surveillance par les deux jeunes, l’autre dimension étant bien entendu d’éviter la contamination par le monde extérieur. Seul moyen de survivre dans ce monde devenu étrange : les rituels qu’Anna et Adam vont reproduire, jour après jour…
Un roman particulièrement étrange.
Comme ce fût déjà le cas avec Jusque dans la Terre, nous sortons de ce nouveau roman de Sue Rainsford avec un sentiment étrange. Nous sommes une nouvelle fois dans un huis clos, et nous naviguons principalement entre Adam et Anna, avec quelques interruptions du journal de Koan ou, un peu plus tard, quelque(s) nouveau(x) personnage(s).
Difficile de bien suivre ce qui s’est passé et si la situation dans laquelle se trouve les jumeaux est réelle. La communauté est à part de la civilisation, supposée fortement attaquée par une pandémie dont nous ne comprenons ni les origines ni les conséquences réelles. La communauté s’est organisée très tôt autour de Koan qui a construit autour de sa capacité à anticiper les événements. Premier à avoir perçu le danger de ce changement de la nature, il a protégé par l’isolement, créant tout un ensemble de rituel pour s’assurer qu’elle survive. Pour autant, certain·es ont quitté pour des raisons diverses.
Ce qui nous pousse nécessairement à nous poser la question de savoir si le danger remonté par Koan était réel ou s’il ne s’agissait pas simplement d’un levier pour mettre sous contrôle les proches du savant.
Toujours est-il que le récit de Sue nous questionne sur la manipulation d’un côté puisque bien qu’abordé sous un angle « scientifique », les rituels qui sont reproduits jours après jours font terriblement penser à un culte. Le rejet de l’autre dans sa différence aussi semble faire partie de cette culture impulsée par ce qui ressemble diablement à un gourou.
Le rouge, omniprésent, déroute… Comme cette tâche qui reste le seul élément rappelant la mère, partie ou exclue… Le rouge qui symbolise dans le même temps la maladie et qu’on sent dans le même temps capable de soigner.
Plus fondamentalement, je me suis posé la question de savoir si ce rouge contaminant, ce rouge issu de la nature, n’était pas un rouge destiné à rapprocher l’humanité de la nature : un des éléments du journal me semble ouvrir cette porte.
Autant dire que ce nouveau roman de l’autrice irlandaise reste pour moi un mystère, m’apportant plus de questions que de réponses. Il demandera à la lectrice / au lecteur d’accepter d’être baladé·es et d’échapper à des réponses toutes faites.
De mon côté, il fait à nouveau parti de ces lectures que je considère ne doivent pas être ratées.
Aux Forges de Vulcain (17 mai 2024) – 362 pages – 21 € – 9782373057713
Traduction : Francis Guévremont (Irlande)
Titre Original : Redder days (2021)
Couverture : Elena Vieillard
Anna et Adam sont jumeaux. Ils habitent une commune abandonnée, dans un paysage changeant, au milieu duquel ils se préparent à un événement apocalyptique qu’ils croient imminent. Adam monte la garde le jour, Anna la nuit. Ils ne se croisent qu’à l’aube et au crépuscule. Leur seul compagnon est Koan, ancien chef de la commune, qui exerce encore un contrôle intrusif sur leurs rituels quotidiens. Mais le retour d’un habitant de la communauté les oblige à remettre en question tout ce qu’ils croyaient avéré.