John est un Juste, fils de Blöm Stolker, propriétaire de l’empire Gormac. Sa richesse immense lui a permis de posséder un immeuble de 300 étages, dont lui, son fils et sa nourrice sont les seuls habitants. Car dans ce futur, où la guerre est omniprésente, où la mort frappe à chaque coin de rue, où des factions rivales s’affrontent dans des guerres absurdes et où des vautours fondent sur les passants, la richesse se mesure à l’altitude prise par rapport à ce charnier qu’est devenu la rue.
Comme tout Juste, il a une éducation soignée, dans une école aérienne, où aucune menace ne peut l’atteindre. Il a des amis, Justes eux aussi, Roman et Susie. Mais les Justes s’ennuyent, et leur temps se déroule moins lentement grâce à la drogue et au sexe. Leur vie n’a peut être aucun sens, sauf celui d’hériter un jour des fortunes de leurs parents Justes, mais au moins souffrent ils moins que les pauvres.
Mais John Stolker ne peut plus supporter cette vie, il lui faut un sens, une envie à assouvir. Il le trouvera dans la rue, au milieu des guerilleros, les armes à la main, toisant la mort avec l’insolence de celui qui ne craint plus rien.
Orcusnf :
J’ai découvert Thierry Di Rollo avec Cendres, son recueil paru il y a peu aux trois souhaits. Je croyais alors qu’on pouvait difficilement faire pire en matière de noirceur. Je me trompais, à côté de ses romans, les nouvelles de Di Rollo sont guillerettes et enlevées. Beaucoup plus que je ne pouvais l’imaginer, car Di Rollo est l’écrivain de la noirceur humaine, de la folie, du desespoir, du Mal.
Et John Stolker, le héros de Meddik, est l’incarnation du Mal. Ou de l’ennui, c’est selon, même si les termes peuvent sembler synonymes ici. Un ennui qu’il cherche à tromper par tous les moyens avec ses « amis », Justes comme lui, riches comme lui, désoeuvrés comme lui. Sexe, drogue, guerre, tout est bon mais rien ne suffit. Aussi John Stolker renonce-t-il à ce monde de faux-semblant pour rejoindre l’arène, pour descendre dans Grande-Ville et essayer de trouver un sens à sa vie. Mais le seul sens qu’il y trouve, une fois membre des guérillas, c’est la drogue, une drogue en particulier, qui lui permet – croit-il – de voir Dieu ou un de ses multiples avatars. Mais pour éviter la dépendance, et sa déchéance, il doit aussi absorber régulièrement Medic, une potion qui le lave des traces d’addiction pour deux mois et lui permet de recommencer ses abus. Mais Medic lui même n’est il pas une drogue ?
Meddik, c’est une plongée aux enfers, où un être dénué de morale, de la moindre once de pitié, voire de sentiment tout court, sème le mal autour de lui pour une raison qui lui échappe lui-même, si ce n’est qu’il y a cet éléphant qui le poursuit partout, le symbole peut être de ce qu’il cherche à atteindre, ou de l’ennemi invisible qu’il doit affronter sans jamais le connaître.
Mais Meddik annonce aussi la mort de l’homme, une mort qui se voit dès aujourd’hui et que Thierry di Rollo ne fait que révéler un peu plus. Car Grande-Ville n’est elle pas une mégalopole, une de celle que l’on peut observer en amérique ou au japon, voire pire, une gigapole, une térapole même, soyons fou dans le néologisme. La mort de la ville est une hypothèse récente en géographie humaine, mais elle existe, prônant qu’à partir d’un certain niveau de peuplement, le politique se retrouve dans l’incapacité de contrôler la société. En 2008, Mexico, 20 millions d’habitants, victime d’une guerre entre gangs, mais aussi entre classes sociales ou entre producteurs n’est elle pas une sorte de Grande-Ville ? En tout cas, même lorsque John Stolke essaye de retrouver une sérénité jamais possédée, d’échapper au stress urbain en s’installant dans la campagne martienne, son mal le poursuit. Car le mal n’est pas culturel, il est humain, John Stolker est le mal, John Stolker est un homme. Du moins il paraît…
Meddik est sombre, Meddik est beau, Meddik est déprimant. Il n’est question que d’oppression, de drogue, de soumission, de mort, d’injustice et de ce déchet humain, ce John Stolker qui prend toujours le temps pour compter le nombre de morts qu’il laisse derrière lui, histoire de savoir quand il aura fini, quand il aura assez exterminé l’humanité, l’espèce à laquelle il n’appartient plus, s’il lui a jamais appartenu.
Impératrice Moa :
Je ne sais pas quoi penser de Thierry Di Rollo.
J’ai retrouvé les mêmes qualités et les mêmes défauts que dans La Lumières Des Morts.
Thierry Di Rollo n’a pas son pareil pour construire des ambiances extraordinaires, pour peindre l’air de rien les grandes artères désertes et sombres, une ambiance à couper au couteau, une froideur pénétrante.
L’univers a des similitudes avec celui de La Lumières Des Morts, sans pour autant qu’on puisse affirmer que c’est le même.
Sur le fond, par contre, je reste dubitative.
Dans la grande non-quête de Dieu, ou dans sa quête, on ne comprend pas très bien, en réalité, rien n’est réellement présenté. Stolker semble mû par sa haine pour son père, le regret de ne pas avoir de mère, l’ensemble est rempli d’éléments qui pourrait donner un roman extraordinaire, et finalement, je l’ai refermé en ayant certes passé un bon moment, mais sans avoir compris grand chose. Et je ne pense pas qu’il y ait dans le livre assez d’éléments pour comprendre le pourquoi du comment.
Au final, Stolker se drogue et tue encore et encore. Pour rien.
Quant à Meddik, l’éléphant, c’est un pur détail, et presque une tromperie sur la quatrième de couverture, à mon très humble avis.
Grande-Ville.
Cité-monde polluée, inique, ultraviolente, déchirée par une guerre dont les factions même ont oublié l’origine.
Grande-Ville.
Cité-Labyrinthe au ciel de suie peuplé de vautours mutants qui, sans relâche, prélèvent en nuée leur écot sur une population terrifiée.
Grande-Ville.
Cité-Tombeau d’un monde assassiné par l’incurie humaine.
Du haut des trois cents étages de l’immeuble de la Gormac, dans le quartier sécurisé des Justes, John Stolker, héritier de l’empire Gormac, contemple Grande-Ville. Sa ville. Alors même qu’il inhale la première bouffée de « K.Beckin », le Monstre le toise et barrit.
Démsuré, il emplit l’espace et trace bientôt son chemin de ruine.
John Stolker sait que le Monstre lui montre la voie, celle d’une vengeance nourrie par une haine froide et lucide. Aussi va-t-il régler ses comptes avec la terre entière : il suivra le Monstre…
jusqu’au bout.
Le Bélial – (2005)– 237p pages 13.00 € ISBN : 2-84344-067-X (INED)
Couverture : Eikasia
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