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Parlons du Bouffon avec Thibault Lafargue

Pour son premier roman, publié aux Nouvelles Editions ActuSF, Thibault Lafargue signe un roman, Le Bouffon de la Couronne que vous ne pouvez pas manquer.

Présent au Festival Imajn’ère d’Angers, il a accepté de répondre à nos questions.

Comme d’habitude, vous pouvez retrouver l’interview sur la chaîne YouTube, Spotify, retranscrite ici mais aussi sur Deezer, Amazon Podcast et Apple Podcast.

Et la restrancription est ici 🙂

Bonjour Thibault.
Bonjour.

Donc c’est la première fois qu’on se rencontre parce que c’est ton premier roman aussi. Alors qui es tu ?
Alors qui je suis ? Mais du coup, depuis peu, romancier avec ce premier roman d’une Duologie, Le bouffon de la Couronne. Et sinon, en parallèle, je travaille dans le cinéma, je suis scénariste et réalisateur, donc sur différents projets. Ça peut être de la série et là, principalement, c’est du sur du long métrage puisque je travaille avec mon frère en ce moment sur deux projets de long métrage qui sont à des stades avancés différents.

D’accord. Et donc du coup, tu arrives avec le bouffon de la couronne. C’est le premier, la première partie d’un diptyque. Comment s’est passée ta rencontre avec Jérôme et les nouvelles éditions ActuSF ?
Alors, comment il s’est passé ? Alors j’ai eu une première approche qui s’était passée au salon des Imaginales, le festival des Imaginales à Epinal. Il y a eu un premier coup de cœur sur le livre avec une autre éditrice qui travaillait pour ActuSF. Et puis, de fil en aiguille, le livre est parvenu à Jérôme. Et pareil, il a ressenti le même attrait pour le livre. Donc on en a discuté et il m’a appelé. Il me dit écoute moi, ça m’intéresse de le publier, ce que toi tu es toujours, ok ? Et j’ai dit oui. Me voilà ici.

Sebrina est au service du Triste, une une religion qui fait un peu écho à nos nos religions monothéistes contemporaines.
Oui, complètement. L’idée c’est vraiment d’être presque comme dans notre monde, mais finalement on fait le petit pas de côté qui m’intéresse en fantasy, c’est à dire par exemple la religion chrétienne la plus tendance. Alors oui, on prône le pardon. Oui, on prône aussi une forme d’austérité, de recueillement, de respect. Mais moi, j’avais envie de pousser ces curseurs un petit peu plus loin en imaginant un monde dans lequel, très bien, dans ce présent là, on prône quoi ? C’est la tristesse, C’est le recueil des larmes pour envisager PEUT-ÊTRE plus tard dans l’après vie Le bonheur. Et ce qui me permettait de contrebalancer avec la figure du bouffon qui est une figure du rire, qui est une figure désinvolte au dessus de tout. Et donc si on a une société qui est régi principalement par une religion qui prône ses larmes et qui prône ce recueillement, tout d’un coup, le bouffon, il va pétarader au milieu de tout ça quoi. Et c’est pour ça que ça devenait le personnage idéal pour raconter cette histoire.

Et il y a une scène très particulière avant qu’il qu’il devienne bouffon, où il écoute les confessions. Et avec ce décalage entre le paraître et l’être, avec ces deux personnes qui viennent demander la tristesse. Aussi une critique de tous ces croyants finalement qui vont dans les différentes instances mais tout en respectant pas complètement le chœur.
Il y a finalement comme tout le monde, des croyants qui le sont véritablement et pour lesquels j’ai beaucoup de respect. Et on va voir aussi les autres où finalement, au quotidien, ils vont pouvoir continuer à mener leur petite vie. À partir du moment où dans leur tête, ils viennent faire amende honorable dans le confessionnal. Donc on a un peu une réécriture de cette scène là où le personnage assiste effectivement à deux plaintes de deux plaignantes différentes. Et les apparences sont plus trompeuses qu’il y paraît, parce que le jeune homme, le héros, est encore naïf à ce moment là. Donc il tombe un peu dans le piège en se disant Non, on devrait peut-être aider cette personne là et l’équivalent du prêtre éploré qui est là qui dit « Attends Il fallait peut être mieux regarder, mieux écouter, mieux sentir la scène ». Et le menteur n’est peut être pas là où tu le crois. Donc ça, ça m’intéressait beaucoup de gratter un petit peu. Une forme d’hypocrisie aussi.

C’est une hypocrisie d’ailleurs qu’on retrouvera tout au long du roman.
Exactement.

Parce que très rapidement, ça dérape pour le pauvre brun qui devient bouffon de la couronne. C’est pas simple comme job, il vaut mieux être éploré ou bouffon au final.
Au final, j’aurais quand même tendance à dire bouffon pour les perspectives que ça offre. Mais gare au bouffon le jour où il échoue en fait. Et c’est ça qui m’a passionné, c’était cette figure du bouffon. Et comme je le disais, même si c’est de la fantaisy, j’ai vraiment tenu à faire beaucoup de recherches historiques sur la figure du bouffon qui a été beaucoup oublié, voire effacée de notre histoire. Et c’est ça que montre aussi le livre, c’est à dire l’importance dans une société féodale, notamment dans une cour du bouffon qui est au milieu, qui est cette tache de couleur au milieu de l’austérité, de l’hypocrisie et qui va être là pour pointer du doigt les défaillances du pouvoir et remettre le roi sur le faire descendre un petit peu de son piédestal. Parce que le roi, à force d’assister à des courbettes, à force d’assister à des flatteries, bah à un moment donné, il peut perdre pied, il a besoin de quelqu’un qui le ramène à sa condition d’humain. Le bouffon sert aussi à ça, mais il sert à plein d’autres choses.

Donc oui, c’est l’ironie, c’est qu’il voulait recueillir des larmes et il va devoir faire presque pleurer de rire après. Donc c’est vraiment un virage à 180 degrés pour ce héros.

Et avec une double compétence à avoir cette capacité à faire rire. Sinon, il n’est plus bouffon. Et dans le même temps, de réussir à placer les bons messages d’un point de vue politique puisqu’il est sur la sellette tout au long de sa vie.
Exactement. Surtout qu’au moment où il devient bouffon dans le livre, il le devient malgré lui et il n’est même pas encore aimé du roi. Donc il doit déjà convaincre aussi le roi pour garder sa tête sur ses épaules et dans le comment dire la palette d’opportunités qu’offrait le bouffon. Même historiquement, il pouvait très bien être amant du roi. On en a eu ; on a eu espion du roi, maître d’armes, conseiller.

Donc en fait, c’est très large et moi j’aimais bien que le personnage puisse passer par certaines de ses facettes, mais à son rythme, c’est à dire en commettant aussi des erreurs. Parce que lui, il doit se réapproprier la cour, il connaît pas ce milieu et donc il va devoir s’en tirer au mieux. Et ça passe avant tout par le rire. Et comme vous le disiez, une oreille très attentive pour cibler qui est potentiellement un ennemi dans cette cour du château.

Et c’est dans un contexte très particulier de rapprochement entre deux pays définitivement en guerre. Le moment idéal pour faire basculer une société, c’est ça ?
Exactement. On a donc géographiquement vraiment l’Est et l’Ouest, la Levant et le Ponant. Et c’est l’un. La Ponant s’est inspiré de l’Europe occidentale moyenâgeuse, là où plutôt la Levant s’est inspiré d’une sorte d’empire ottoman du XVIᵉ siècle sous Soliman, donc ils sont presque plus avancés, j’ai envie de dire idéologiquement parlant, mais ces deux pays, à un moment donné, sont obligés de cohabiter et même de faire une alliance.

Et même si la France a fait beaucoup d’alliances historiquement avec des pays étrangers, ça a souvent été plutôt des pays chrétiens ou qui avaient une base commune. Là, vraiment, il y a quelque chose de très différent culturellement. Donc ça m’intéressait aussi pour les questions que ça soulève aujourd’hui aussi. Et puisque notre personnage principal, Serbain est mâtiné, donc c’est un métis. Finalement, il est issu à la fois de Laponie et de la Levant, donc il est vraiment au centre de toutes les directions et de tous les conflits de ce roman.

Et le deuxième personnage qui m’a semblé aussi très important, enfin très essentiel, c’est le roi. Il est quand même super seul le roi, et il a l’air d’être un peu déconnecté de sa réalité de cour.
Exactement. La première raison pour laquelle je voulais faire ce livre. C’était le bouffon et la deuxième, c’était le roi. Parce que ça a toujours été une position qui m’intéressait énormément.

Mais comment ne pas être déconnecté quand on est placé sur un tel piédestal qu’on vit dans sa tour d’ivoire, qu’on est entouré de flatteurs, qu’on est entouré de mensongers finalement qui veulent garder leur place à la Cour ? Et à partir du moment où on fait des courbettes systématiquement devant devant nous, comment ne pas perdre les pieds et être déconnecté du reste. C’est ça qui m’intéressait de voir un homme qui peut être au front a été bon, mais il a été mangé par et perverti par le pouvoir. Et surtout, il se rend compte qu’il n’est pas si puissant que ça ce roi. Il doit rendre des comptes à la religion, il doit rendre compte à ses conseillers. Donc en fait, lui aussi il subit beaucoup de pression et c’est ce qui va permettre aussi d’ouvrir la relation avec le bouffon. Même s’il y a beaucoup de méfiance au début, c’est le lien entre les deux.

Il y aura vraiment une sorte de co-dépendance. L’un a besoin de l’autre aussi sûrement que l’autre a besoin de l’un. Et c’est ça qui m’intéressait. Comment ils se nourrissent au milieu de cette cour très hostile finalement.

Et ton roman, enfin, Cette première partie de roman est très complexe. On a différents personnages, on a aussi celle qui va aider le bouffon à être le bouffon. On a les princesses aussi, la princesse qui est, qui est, qui est, qui cherche un peu ses marques et qui cherche aussi une humanité. Comment on construit pour un premier roman, un univers aussi riche ? Parce que là, on est à 700 pages si je ne dis pas de bêtises pour le premier volume.
C’est ça. Ouais, voilà. Et je pense que le deuxième doit être à peu près similaire. Ce ne sera pas moins.

Donc comment on construit un univers aussi complexe, Surtout quand on est sur une première première publication ?
Alors je pense que ça a beaucoup aidé aussi d’être scénariste en parallèle. Donc tout ce que j’ai pu apprendre, emmagasiner comme informations pour structurer déjà l’ensemble. On dit toujours qu’il y a deux types d’auteurs ceux qui structurent en amont les architectes ou les jardiniers, même si on est tous un peu des deux. Mais c’est vrai que j’avais vraiment besoin d’avoir ma structure bien solide. Et d’où ça part, ça part du personnage principal. Donc à partir du moment où je sais ce que je veux raconter, même thématiquement, avec lui et narrativement, où je veux finir l’histoire, et bien ensuite, il faut que ça gravite. Les personnages secondaires sont un peu des déclinaisons du thème et de ce personnage là. Si j’ai un bouffon, je dois avoir un roi. Donc si le roi il y a la princesse. Mais comment est elle psychologiquement par rapport au roi ? Et j’aimais bien que chacun ait sa zone grise. Tout ce que je voulais éviter, c’était le manichéisme. Qu’on se dise très bien, on a les gentils d’un côté, les mauvais de l’autre.

Non, en fait, c’est beaucoup, beaucoup plus compliqué que ça et qu’au fur et à mesure du récit, on se dit tout d’un coup celui qui me paraissait noir, en fait, il est gris blanc. Voilà, c’est ça. Qu’on ne sache jamais vraiment sur quel pied danser avec eux. Donc ça s’est structuré beaucoup comme ça. Et avec cette intrigue de à la fois, c’est un récit initiatique, mais pas seulement. C’est comment les complots viennent gangréner tout le reste. Donc ça part du personnage. Et l’idéal d’avoir un personnage qui ne connaît pas Grand-chose à son milieu, c’est qu’il devient les yeux et les oreilles du lecteur. Donc c’est un bon moyen pour moi de présenter les informations sans qu’on ait le sentiment que tout de suite je m’adresse aux lecteurs directement.

D’accord. Et du coup, la deuxième partie du diptyque, elle est prévue pour quand ?
Elle est prévue pour quand ? Alors ce sera logiquement fin d’année prochaine. On sera peut-être un petit peu avant, peut être un petit peu après avec un résumé du premier tome avant le deuxième aussi, ce qui est toujours bon pour les lecteurs de se remettre dans le bain si jamais ils l’ont lu il y a quelques temps. Mais voilà, donc je suis activement en train de travailler dessus en ce moment.

Tu es à ton deuxième salon d’imaginaire, d’imaginaire, ici à Imaginaire. Qu’est ce que tu y trouves ?
Je trouve déjà une vraie proximité avec les comment dire avec les lecteurs Parce que c’est un festival plus à échelle, plus humaine entre guillemets. Donc ce n’est pas forcément le même public qu’à Trolls et Légendes. J’ai même des gens ici qui n’étaient pas forcément très axés imaginaire et qui soit par la couverture, soit par le pitch, s’intéressent. J’ai même une personne qui avait la figure du bouffon chevillé au corps puisqu’il en avait un tatouage. Il était passionné par la figure du bouffon, donc on avait échangé avec lui brièvement hier donc. Et aussi on n’en parle pas. Mais d’autres auteurs à chaque fois, à chaque salon, c’est aussi un moyen de rencontrer d’autres auteurs. D’autant qu’on est souvent bien entouré avec les bénévoles, les gens du festival. Donc c’est ça, il y a toute cette chaleur humaine autour qui fait vraiment plaisir et qui pousse à toujours continuer et en découvrir d’autres des salons.

Donc merci Thibaud et longue vie au bouffon !
Longue vie au bouffon. Ça me va très bien. Merci à toi. Merci.


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