Au détour d’une dédicace aux Utopiales, j’ai eu la chance de croiser Estelle, qui avait accepté par avance de nous accorder un peu de temps pour parler de ses écrits.
La réédition de Un Eclat de Givre il y a quelque mois m’a permis de découvrir une partie de son oeuvre.
Bonjour Estelle, avant toute autre question, serais-tu d’accord pour te présenter à nos lecteurs ?
Dès l’école primaire, j’ai commencé à raconté des histoires, pour mon petit frère, pour mes amis, pour ma première troupe de théâtre – en CM1, on répétait juste devant l’école. Je me suis d’abord cantonnée aux récits que je connaissais, à des contes et légendes, ce genre de choses… Puis, très vite, je me suis mise à en inventer, des histoires façon romans feuilletons, pleines de rebondissements, de magies, d’aventures… que je créais à mesure que je les dévidais. En primaire aussi, j’ai découvert le Jeu de Rôles, Excalibur de Boorman, Typhon de Conrad et Cristal qui songe de Sturgeon ( celui-ci, je l’avais emprunté dans la bibliothèque de ma mère, une grande lectrice de Science-Fiction). Ces œuvres m’ont beaucoup marquée.
Ensuite je suis devenue comédienne, j’ai étudié le théâtre, à Paris et San Francisco, j’ai fait de la mise en scène, monté ma propre troupe. Mais toujours l’écriture était là, tapie dans un coin. L’écriture me rattrapait. J’ai commencé à écrire des pièces, puis des scénarios. J’ai étudié la littérature à la Sorbonne, et le scénario à la FEMIS. J’ai scénarisé et réalisé des courts-métrages.
Fin 2008, j’ai envoyé une nouvelle pour un appel à textes sur les dragons, pour une anthologie chez Calmann-Lévy. Ma nouvelle a été retenue, publiée. A partir de là, tout s’est enchaîné, premier roman, autres nouvelles, autres romans…
J’aime explorer tous les genres de l’Imaginaire, Fantastique, Science-fiction ( avec un goût particulier pour le post-apocalyptique), Fantasy…
Mon dernier roman en date, Les Seigneurs de Bohen, aux éditions Critic, narre la chute d’un Empire dans un monde entre Moyen-âge et Renaissance, inspiré de l’Europe Centrale. On y retrouve tout ce qui fait le genre, intrigues, batailles, magies et aventures, mêlé à ma touche personnelle, une vision réaliste de l’humanité et du monde, fortement inspirée de l’Histoire, et des héros qui changent des personnages habituels du genre, qui ne sont ni des puissants ni d’humbles élus de la prophétie, qui provoquent une révolution et se créent des destins différents.
A part ça, j’aime l’océan, le café, les horizons lointains, les atmosphères urbaines, et j’écris souvent la nuit.
Tu as navigué au travers de plusieurs arts : le théâtre, le cinéma et l’écriture… Simple curiosité ou envie de varier les plaisir ?
Ce qui me pousse avant tout, c’est l’envie de raconter des histoires. Comme j’aime bouger, travailler en équipe, très naturellement je me suis tournée au début vers le cinéma et le théâtre. Puis j’ai découvert la liberté que me donnaient les romans. J’aime aussi la manière dont un texte littéraire permet de se mettre complètement dans la peau d’un personnage.
Aujourd’hui je me consacre essentiellement à la littérature, avec toujours de supers équipes autour de moi ( bêta lecteurs, éditeurs, etc…)
Tu as déjà reçu le prix Elbakin (pour Porcelaine, légende du tigre et de la tisseuse) et a reçu aussi le prix ActuSF uchronie… Ces prix sont-ils importants pour toi ?
Ces prix, surtout pour une auteure comme moi qui n’a pas pour l’instant quinze romans à son actif, sont un véritable encouragement. Ça me motive pour aller plus loin !
Puisque nous nous sommes croisés au cours des Utopiales de Nantes, et que tu as contribué à l’Anthologie d’ActuSF, j’ai envie de te demander ce que représente pour toi de contribuer à cette événement ?
Les anthologies, notamment les anthologies de festivals permettent de faire découvrir des auteurs, pour les lecteurs. Et pour moi, en tant qu’auteure, cela me donne l’opportunité de tester des thèmes, des univers, de lancer de nouvelles histoires…
Avec un peu de retard, je viens de lire Un Eclat de Givre réédité il y a quelques mois chez Folio SF… Ma première question concerne cette parution en poche : est-ce un cap pour un auteur ce passage en poche ?
D’une manière générale, je suis bien sûr très contente de voir mes livres passer en poche. J’ai lu (et je lis toujours) beaucoup de poches. Comme moi, beaucoup de lecteurs n’ont pas un très gros budget, et le poche rend le livre plus accessible, plus mobile ( on ne transporte pas forcément dans son sac à dos à l’autre bout du monde un grand format avec une couverture toilée, même s’il est très beau !).
Le poche fait aussi découvrir les livres à un nouveau public, et par ailleurs, Folio SF étant une collection que j’aime beaucoup, je suis ravie de voir mes romans chez eux.
Tu indiques à propos de ce roman qu’il est « le plus étrange et le plus barré à ce jour, le plus personnel aussi » : en quoi ?
C’est un roman à la croisée des genres, du post-apocalyptique écrit comme du roman noir, un Paris futuriste vu comme un monde de fantastique, ou de fantasy, parfois. C’est mon premier roman à la première personne, aussi, avec un langage poétique, gouailleur, des aspects très sombres et d’autres vraiment solaires. Avec un côté cabaret et toute ma relation d’amour et de colère avec Paris, avec une ville que j’arpente depuis que je suis môme. Paris est une ville où on peut encore vivre des moments suspendus, des rencontres improbables, même si la ville, et ça m’attriste, perd de plus en plus de vraie vie, devient de plus en plus propre et lisse.
Enfin il y a dans Chet , le héros, beaucoup de moi à son âge, de mon goût pour la scène. Il y a mêmes quelques bouts d’anecdotes autobiographique de mes années de théâtre, qui ne sont pas les passages les moins étranges.
Le Paris que tu nous présente dans le récit est un Paris meurtri, un Paris communautarisé mais un Paris à qui nous avons le sentiment que tu rends hommage : que représente la capitale pour toi ?
Je crois que j’ai déjà commencé à répondre… Paris est la ville que j’ai le plus arpentée, et que j’arpente encore, celle où toutes mes histoires ont commencé. Une ville avec des couches et des couches d’Histoire, et de souvenirs. Une ville qui parfois m’étouffe et me donne envie de partir à l’autre bout du monde. Et en même temps c’est une ville où, je crois, je reviendrai toujours.
Le personnage de Chet est resté pendant un long moment étrange pour moi, je n’arrivai pas à lui donner un genre… et finalement, ce n’est que secondaire… Était-ce néanmoins volontaire ?
C’est volontaire. C’est Chet qui parle dans le livre, qui se présente au lecteur, et le coeur de sa personnalité, ce qui le définit avant tout, ce qui le fonde, ce n’est pas d’être un homme ou une femme, c’est sa relation à la scène.
J’ai trouvé que Chet avait un côté chevaleresque… Une volonté de mettre un petit côté romantique ?
Le chevalier, pour moi, dans Un Eclat de Givre, c’est surtout Galaad, d’où son nom. Chet, lui, s’inspire plutôt des détectives des grands romans noirs, qui se retrouvent toujours entraînés dans des affaires trop grosses pour eux, qui prennent des coups mais se relèvent, qui jouent de malchance mais sont tenaces. Ce sont des solitaires, mais ils craquent souvent pour le ou les mauvaises personnes, ils manquent de se perdre pour des femmes fatales ou, dans le cas de Chet, pour un beau gosse aux yeux fauves.
Quels sont tes projets pour les prochains mois ?
De l’écriture, surtout. Je travaille sur un deuxième roman dans l’univers de Bohen, qui n’était pas prévu à la base, et raconte ce que devient ce monde après la révolution. J’ai également un space opera en prévision chez Scrineo, des romans jeunesse qui vont sortir bientôt, et toujours des nouvelles.
Nous avons la tradition de laisser le dernier mot à nos invité.e.s : quel sera le tien ?
L’Imaginaire nous aide à être plus libres, c’est pour cela aussi que j’aime cette littérature. Et je vous souhaite à tous plein de belles lectures !
Une réponse à “Rencontre avec Estelle Faye”
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