Collisions par temps calme est la troisième eutopie de la collection éponyme après Un souvenir de Loti de Philippe Curval et Résolution de Li-Cam.

Un monde épanoui

Cette question est toujours au cœur des œuvres autour de l’utopie ou aussi l’eutopie. Stéphane Beauverger nous emmène sur une île de Bretagne où Sylas vit une vie heureuse avec son conjoint et sa fille. Tout le monde d’ailleurs est heureux, merci à Simri, l’intelligence artificielle qui permet cela… Et merci aussi à Sylas qui est analyste système pour le compte de Simri.

Quand tu as été conçue pour veiller au bien-être de milliards de citoyens qui te font suffisamment confiance pour te déléguer presque toutes les décisions, tu dois garantir de ne pas en abuser. Sa bienveillance doit aller jusqu’à accepter et protéger ceux à qui elle ne convient pas, tu comprends ?

Vous avez une question, vous cherchez quelque chose, l’omniprésence de l’IA vous permet de répondre à vos interrogations.

Mais l’arrivée de Callie, sœur de Sylas, va questionner beaucoup autour de cette vision idyllique : la jeune femme souhaite sortir du système et quitter ce monde… Pour obtenir ce droit, elle doit avoir l’appui de son frère qui aimerait bien la faire changer d’avis.

Ce retour, et les discussions qui s’ensuivront, bousculeront Sylas dans ces certitudes et lui fera découvrir un visage de Simri qu’il ne connaissait pas.

Un texte qui interpelle

Tout dans ce monde semble se dérouler pour le mieux et le fonctionnement de Simri n’est pas sans rappeler le fonctionnement de nos box qui semblent répondre à chacune de nos sollicitations, voire à les anticiper… Et nous percevons que, dans ce monde idyllique, la liberté se retrouve partiellement occulté par la main-mise de l’IA : il n’est pas facile de s’extraire de l’emprise de l’Intelligence.

Dans ce récit étrange, Stéphane Beauverger fait avancer l’histoire à plusieurs fois, avec cette particularité que les chapitres ne se succèdent pas en termes de chronologie : le passage d’un point de vue à l’autre se fait par un chevauchement du dialogue dans un premier temps, nous donnons un sentiment étrange de perspectives et de prise de temps, avant que cela ne s’accélère dans la deuxième partie de cette novella.

Nous découvrons aussi le métier d’analyste de Sylas et surtout, nous découvrons aussi qu’il y a un truc qui ne tourne pas rond dans le programme principal (même si j’avoue n’avoir pas réussi à tout comprendre de ce qui n’allait pas). Nous sommes interrogés aussi sur cet avenir qu’on nous promet, assisté·e·s par des équipements qui, sous couverts de nous rendre service et la vie plus facile, deviennent des formes de prison. Quel libre arbitre nous laisse Simri et en quoi notre humanité est-elle encore réelle ?

Bref, ce texte questionne toujours sur cette frontière très mince entre l’utopie et la dystopie, et ce risque de basculer sur un détail de l’un à l’autre.

Stéphane montre avec force que la novella est un format qui lui convient et La Volte renforce sa collection Eutopie de belle manière !

La Volte (Octobre 2021) – 115 pages – 8€ – 9782370491190

Sylas mène une vie heureuse sur son île. Il fait le métier qu’il aime, dans la maison qu’il aime, entouré des rares personnes qu’il aime. Mieux que ça : il sait que le monde est beau, paisible, fluide grâce à Simri, l’artefact sapiens présidant au confort de l’humanité depuis 50 ans. Une super-IA, en gros, dont le déploiement global a porté l’humanité vers un avenir serein. Sylas partage sa vie entre son travail d’analyste système au service de Simri et sa passion pour la conception de bateaux. Oui, le monde est beau et va bien, vraiment, pour tous. Mais Calie, la sœur de Sylas, veut quitter ce monde. Demander à quitter le giron protecteur de Simri, qui veille au bien-être de tous, c’est rare, mais possible. Simri accorde aux personnes qui le désirent le droit de se soustraire à son attention. Mais Sylas ne s’attendait pas à ce que cela arrive à sa sœur, et cela lui est douloureux. S’il espère la faire changer d’avis, il sait que leurs trajectoires respectives ne peuvent aboutir qu’à une collision. Une collision par temps calme dans un ciel sans nuages