Réalisée par :mail
Date :septembre 2004
Deuxième livre publié aux éditions Octobre, créées par Pierre Grimbert et Audrey Françaix, La Chair et lAcier est probablement la première oeuvre française dErotic fantasy… Il était indispensable de rencontrer Audrey pour parler avec elle de son nouveau cycle…
Allan : Audrey bonjour et merci de têtre prêtée à notre petit jeu des questions-réponses. La première question, qui est généralement posée aux écrivains, est quel a été leur cheminement, leur premier contact avec le monde de lédition, leur maître à penser et à écrire
Peux-tu nous parler un peu de tout cela ?
Audrey : Bonjour, cest un plaisir !
Mon frère aîné est également auteur. Nous avons dix ans décart et, quand je navais que neuf ans, je me faufilais le soir dans sa grande bibliothèque pour lire Lovecraft ou Jean Ray à la lueur dune bougie
Un régal ! Puis, je filais dans sa vidéothèque lui emprunter des films avec Price, Cushing, Lorre, Lugosi, Christopher Lee
Bref, jai grandi dans le fantastique, tout en imaginant aussi que des elfes et des gnomes habitaient la forêt proche de chez moi ! Javais bien lu Tolkien, mais je ne le classais pas dans la fantasy à lépoque. Je croyais que ce genre ne comprenait que barbares rustauds, guerres et combats à lépée : ça ne me tentait pas. Puis, à dix-sept ans, jai découvert James P. Blaylock ” Les Contes de lOriel ” et je me suis mise à adorer le genre. Japprécie tant dauteurs que je ne saurais désigner mon ” maître à penser “. Jean Ray ma appris à être réceptive aux ambiances, Blaylock à aimer la fantasy, et Lacarière et son “Chemin Faisant” mont prouvé que la littérature générale pouvait aussi être magique
A treize ans, jai abandonné lécole pour suivre des cours par correspondance et tenter ma chance dans lécriture. A dix-neuf ans, mon premier roman, “le Cercle des Elfes”, était publié aux éditions Degliame, et par-là même ma série, “les Frontières de Féerie”, était lancée. Je nai pas à me plaindre, jai plutôt eu de la chance !
Allan : Avant de parler de ton dernier livre ou premier roman adulte je voudrais discuter un peu avec toi des Editions Octobre que tu as créées avec Pierre Grimbert : Comment vous est-il venu lidée de les créer et quest-ce qui ta poussée/motivée dans la création dune maison dédition ?
Audrey : Nous étions un peu frustrés : ne pas nous sentir totalement libres dans nos écrits, savoir que léditeur nous demanderait des corrections, que la couv du bouquin ne nous plairait pas forcément
Bref, nous rêvions de veiller sur la totale création de nos ouvrages. Et nous avions aussi envie de construire quelque chose de nouveau ensemble, daller plus loin dans nos passions. Nous nous entendons très bien, partageons les mêmes rêves, alors nous imaginions que, forcément, ça ne pourrait que fonctionner si nous travaillions tous les deux sur ce projet. Cest magique décrire
mais choisir le format, la mise en page, lillustrateur, aller voir louvrage se construire à limprimerie, donner un ton, une ambiance à la collection : cest fabuleux ! Et puis, nous comptons aussi publier, à lavenir, dautres auteurs que nous apprécions beaucoup. Bref, nous nous faisons plaisir en espérant que de nombreux lecteurs auront envie de visiter ” le pays dOctobre ” et sy sentiront bien !
Allan : Le métier déditeur est nouveau pour toi
Quel est ton ressenti par rapport à ces premiers mois dexistence, quelles difficultés as-tu ressenties ?
Audrey : Que du bonheur ! A part tout ce qui est administratif (et qui nous donne parfois lenvie de nous arracher les cheveux), le côté création du livre est fabuleux. Certes, nous sommes un peu stressés, les nuits sont courtes car on démarre avec peu dargent, et la publication de seulement quatre bouquins par an pour le moment
On bosse deux fois plus, mais cest notre passion.
Allan : On a reproché à Pierre de profiter du succès de la première tétralogie du Secret de Ji pour lancer les Editions Octobre : pour toi, cela sera différent puisque quoique connue au rayon jeunesse on te découvre dans la littérature adulte. Nous avons notamment un visiteur qui a lancé un message vous accusant de prendre les lecteurs pour des Vaches à Lait : quas-tu envie de répondre à de telles accusations ? (voir la discussion)
Audrey : Je vis avec Pierre et je peux tassurer que cest dabord lenvie de renouer avec Grigan, Bowbaq et les autres persos du Secret de Ji qui la poussé à écrire la suite ! Ce petit monde lui manquait : il en parlait depuis des années, mais cétait un énorme projet et on devait dabord bosser sur des romans jeunesse pour assurer le quotidien. Avant Pierre, je navais jamais vu un écrivain sémouvoir à ce point en parlant de ses persos ! Bref, il se fait plaisir, et si ça aide la boîte à prendre son essor, reconnaissons quon est bien contents !
Quant au visiteur dont tu parles, je dirai que, malheureusement, lignorance fait parfois dire de grosses bêtises. Nous lui avons dailleurs répondu sur le site (Pour Allan : tu peux faire un lien, peut-être
) afin de lui expliquer comment fonctionne une maison dédition, et de lui préciser que nous ne touchons aucun salaire en tant que gérants. Notre but premier est de poursuivre nos passions et davoir un contact plus proche avec les lecteurs, les imprimeurs, les libraires
et tout le petit monde du livre ! Il est évident que nous espérons de tout cur que nos ouvrages se vendent, pour nous permettre de publier dautres écrivains et de continuer notre métier dauteur !
Allan : Parlons maintenant du Cycle de la Chair dont le premier volume est sorti ce mois-ci : le genre est nouveau en France (nous avons pu lire récemment deux uvres dErotic-Fantasy de Laurell K. Hamilton aux éditions Fleuve Noir) et on pourrait te retourner ce livre en parlant deffet de mode
Pourtant, ce nest pas ton premier écrit dans le genre, tu as même été primée
Peux-tu nous en dire plus ?
Audrey : Je nai jamais rien lu en Erotic-Fantasy. Jignore même ce qui existe dans le genre (honte à moi !). Au départ, je voulais écrire pour Octobre un ouvrage classique, une quête
Mais jai eu peur de mennuyer. Il me fallait trouver une histoire originale pour ne pas me lasser, et lidée était longue à venir
Et puis, Pierre ma rappelé queffectivement, javais déjà écrit une nouvelle érotico-fantastique (celle primée en 97) et que je devrais peut-être réfléchir à ça
Moi, de lérotique ? Non
Et puis, ce fut plus fort que moi : les idées ont surgi par dizaines
Si bien que La Chair et lAcier, qui ne devait être au départ quun roman, sera un cycle ! Mais attention : pas de X, ni de leau de rose ! Le but est de ne rien cacher, mais sans en rajouter ou sétendre vulgairement sur des scènes de c.. Jaccorde le rôle principal à la fantasy, non à lérotisme, même si, quand il nest pas présent, il est toujours latent !
Allan : Le Cycle de la Chair est donc le premier cycle dErotic-Fantasy française
Dans ce premier volet La Chair et lAcier, on découvre lhéroïne Mantii jeune pucelle dun peuple primitif
Ce qui frappe est le décalage entre la personnalité de la jeune femme relativement effrontée et ce quelle est sensée être, femme soumise notamment
Doù as-tu tiré une personnalité aux caractéristiques aussi opposées ?
Audrey : De ladolescence, je crois… A cette période on se sent parfois faible, et certaines épreuves de la vie nous font découvrir quon est plus fort quon ne limaginait. Alors, on se pose des questions, on a peur de faire de mauvais choix, on se cherche, on se découvre : plusieurs personnalités saffrontent en nous, puis sassemblent pour nen former quune. Cest ce qui se passe chez Mantii, de manière certes plus violente que chez dautres personnes. Mais cest lextrémisme de sa civilisation qui rend son caractère si contradictoire et virulent.
Allan : Le deuxième trait de caractère qui la caractérise est un courage impressionnant
On sent dans ce personnage une nette supériorité de la femme par rapport à lhomme
Une uvre féministe est en cours ?
Audrey : Pas du tout. Je ne renvoie pas une très belle image des femmes, au contraire
La plupart sont idiotes, soumises, désespérées, geignardes
Seules quelques-unes se rebellent un peu et ont envie de sortir de leurs existences pitoyables. Mantii nest pas supérieure aux hommes, ce sont ces derniers qui sont très primaires, dans lhistoire. Heureusement, là encore, quelques-uns sortent du lot
Je ne suis pas féministe, et ce ne sera en aucun cas une uvre féministe.
Allan : Les scènes “érotiques” sont relativement violentes comme en témoigne le dépucelage de lhéroïne
Elle narrive pourtant pas à paraître dominée par son bourreau. Est-ce un miroir de ta propre personnalité ou uniquement une création de lesprit ? Aurais-tu aimé vivre certaines des aventures de Mantii ?
Audrey : Cest un amusement pour Mantii. Elle ne peut paraître dominée car elle joue les soumises ; ça lexcite de se sentir possédée. Avant son viol, jamais un homme ne lavait dominée “sexuellement”, et cest pourtant ce quelle attendait de son promis : un peu de fermeté, si jose dire ! Le jeu est important, je trouve, excitant en amour, tant quil ne dégénère pas
Mais je naimerais pas vivre les aventures de Mantii, elles sont trop horribles, et je ne suis pas S.M !
Allan : Quelles sont les autres surprises qui se profilent dans les prochains volumes et quelle orientation va prendre le personnage ?
Audrey : Mantii ne sera pas la seule héroïne. Elle gardera une place importante dans lhistoire, mais nous allons aussi suivre les destins dYdelle, de Krel, apprendre ce que sont devenus la veuve Aunanii, Dsilée et bien dautres persos auxquels je me suis attachée. Puis de nouveaux surgiront. Au programme : encore plus de chair, de sang
et un soupçon de magie.
Allan : Pour ce premier volume adulte, tu tes orientée vers la fantasy, quelles sont les raisons de ce choix et a-t-on une chance de te voir dans dautres genres fantastique ou SF notamment ?
Audrey : Pierre et moi désirions commencer par une collection fantasy aux Editions Octobre, notamment pour permettre à Pierre de poursuivre Ji comme il en avait envie, en toute liberté. Pour ma part, je suis tentée par plein de choses : littérature générale, fantastique adulte, scénarios BD, ouvrages illustrés
Cest lécriture qui me passionne, et non un genre en particulier. Mais je me sens par contre incapable de me lancer dans la SF
Elle na bizarrement jamais fait partie de mon univers.
Allan : On peut dire que tu as pris un tournant en te lançant dans ce cycle : était-ce un désir de changement et du coup de frapper un grand coup ?
Audrey : Je nai pas le sentiment de changer car jai toujours écrit pour adultes, seulement jattendais dêtre prête pour proposer mes ouvrages aux éditeurs. Il me fallait mentraîner pour parvenir à maîtriser une histoire avec mon propre style. Javoue que jangoisse un peu, car jignore comment va être accueilli le Cycle de la Chair ; dautant que les lecteurs de fantasy ne sont pas habitués à lérotique
Cest un risque, mais cest aussi un défi pour moi. Si Mantii parvient à toucher quelques personnes, je serai très heureuse davoir pu atteindre un public grâce à ce genre. Et je me lancerai de toute façon dans une nouvelle aventure : un roman de fantasy classique.
Allan : Dailleurs quest-ce qui ta attiré dans lécriture des livres jeunesse et quest-ce qui te gênait ? Liberté de propos ? La littérature jeunesse est-elle plus dure à rédiger du fait des limitations ?
Audrey : Mon enfance a été chargée de mystères, de fantastique, de peurs. A treize ans je me baladais déjà de nuit, dans les forêts en quête dambiances magiques, et dans les cimetières, en chasse détrangeté, avec les amis de mon frère. Je me suis toujours sentie à la fois bien ancrée dans la réalité et capable de plonger dans le rêve quand bon me semblait. Voilà pourquoi, jaime écrire pour la jeunesse. Elle est encore toute proche de moi (je nai que 23 ans !). La coucher sur papier, cest la préserver, en espérant toucher le cur des enfants rêveurs. Je rencontre régulièrement des écoliers : avant lentrée en sixième, tous sont encore sincères, simples et naturels. Ils disent les mots comme ils les pensent et cest très agréable de faire des ateliers décriture avec eux, de les aider à développer leur imaginaire, ou plutôt à le décrire. Ils sont parfois surprenants ! Je ne renonce pas à lécriture jeunesse, simplement jai besoin dautre chose en ce moment
Notamment, de plus de liberté dans mes propos, comme tu le dis très justement.
Allan : Quel est ton avis sur les littératures de limaginaire et notamment sur lattitude des éditeurs majeurs vis-à-vis dune littérature encore trop souvent décriée ?
Audrey : Je suis pour toutes les littératures ! Chacune possède des textes qui apportent plaisir, détente, ou enrichissent le lecteur. Je ne suis pas enfermée dans mon petit monde, au contraire jai soif de découvertes. Et je pense que, de même, personne ne devrait critiquer bêtement ou snober les littératures de limaginaire. Souvent, ceux qui le font nont jamais lu ni fantastique, ni fantasy, ni SF
ou se sont contentés, avec des à priori, de feuilleter quelques ouvrages avant de les dénigrer : chose facile ! Bref, ce sont eux quon devrait blâmer plutôt que les auteurs des littératures de limaginaire, que certains voient comme des associables, des instables ou même des cinglés ! Depuis le film Le Seigneur des Anneaux, on observe un fabuleux retour des lecteurs à la fantasy, et jespère quils trouveront leur bonheur auprès des maisons déditions comme Mnémos, Bragelonne ou
Octobre. Si les éditeurs majeurs sont des éditeurs majeurs, cest parce quils ont de largent pour être médiatisés. Certains bouquins parviennent à réaliser dexcellentes ventes uniquement parce que ces grands éditeurs ont déboursé des centaines de mille pour leur faire de la pub, et pas toujours parce que louvrage est génial ! On trouve aussi de vrais trésors dans les maisons déditions modestes. Malheureusement, les gens peinent à rêver, ou nont plus le temps. Ce qui marche à la télé : cest la télé-réalité. Faut avoir le câble pour visionner de bons films fantastiques, cest dommage ! Ce qui se vend en librairie : ce sont les potins, les ouvrages à scandales
Si chacun y trouve son compte tant mieux, tant quon ne mempêche pas décrire mes bouquins !
Allan : Avant de te laisser, outre la rédaction du Cycle de la Chair, quels sont tes autres projets ?
Audrey : Yen a plein ! Quand jai commencé à écrire, on me reprochait davoir des idées à la pelle et de ne pas les développer suffisamment
Jen ai tenu compte. Je prends des tonnes de notes, et je les trie, jessaie dêtre plus ordonnée. Jai le projet dun roman de littérature générale jeunesse, dun ouvrage illustré pour les 7-117 ans et dun recueil de nouvelles
Mais le plus important est un ouvrage qui succédera au Cycle de la Chair aux éditions Octobre : de la fantasy tout court ! Bref, lécriture de chacun de ces projets est entamée et, selon mes humeurs et les ambiances dans lesquelles je baigne, je les poursuis.
Allan : Que peut-on te souhaiter ?
Audrey : Quau moins un de ces projets aboutisse ! Mais surtout que je puisse toujours vivre avec mon homme de ce fabuleux métier quest lécriture
alors : longue vie aux Editions Octobre !
Allan : As-tu visité Fantastinet et dans laffirmative, quen as-tu pensé ?
Audrey : Oui, je le connaissais déjà. Et je trouve ça chouette daller y farfouiller régulièrement en quête dactualité des littératures de limaginaire. Cest toujours rassurant de savoir que, même sur le net, on trouve un peu de rêve et de magie ! Bref, il est dans mes signets !
Allan : Et le mot de la fin sera :
Audrey : Ya pas de fin, ya que des suites
Alors : à la prochaine !