Morgane nous a révélé tout son talent au travers, notamment, de romans vampiriques (Dans les veines, Rouge Toxic et Rouge Venom), le premier chez Mnemos, puis Helios, les deux derniers chez Naos.
Cette fois-ci, elle s’attaque aux Loups-Garous, et ce sera chez Au Diable Vauvert. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce nouveau roman n’a rien à envier aux précédents !
Rendez-vous à Vieux-Boucau
Nous sommes en 1997 et Ils sont un groupe de trois ami·e·s de 10 ans à devoir subir les brimades pour des raisons diverses : Jonathan du fait de son poids, Brahim du fait des ses origines et Sasha qui refuse d’être la fille que la nature lui impose…
Et au-delà de leur personnalité propre, ce sont aussi leurs histoires familiales qui vont peser, des histoires faites de violence pour Sasha mais aussi d’une forme de maltraitance dont on parle finalement assez peu : celle d’une mère protectrice au-delà du raisonnable.
C’est surtout l’histoire de mon point de vue d’une ville entière qui ignore la misère de certain·e·s de ses habitant·e·s ou qui met un voile discret, de façon à pouvoir dire quand la situation dérapera que personne ne pouvait le suspecter.
Une nana qui se comporte comme un p’tit gars, qui s’habille comme un p’tit gars, mais qui a un frifri au lieu d’un kiki, ça passe pas, et ni les filles, ni les garçons ne me voulaient dans leur groupe, et même certains ont tenté de faire de moi leur punching-ball pour m’apprendre à retourner à ma place.
Un enlèvement et un retour qui interpelle
Tout commence par les premiers pas de Sasha dans son journal intime et nous apprenons donc à ce moment la composition du petit groupe, le groupe des Power Rangers dans ce chapitre et nous apprenons surtout la disparition de Jonathan… Le jeune garçon semble s’être fait enlevé dans un van et les recherches sont lancées pour tâcher de retrouver le petit garçon souffrant d’embonpoint.
Sept jours après son enlèvement, Jonathan est ramené à sa mère, maigre comme jamais avec un comportement bien moins enjoué qu’auparavant : taciturne et sur la réserver, ni ses ami·e·s ni sa mère Marylou ne le reconnaissent… Et les examens médicaux, bien que confirmant le fait qu’il n’ait pas été violé, laisse apparaître une étrange nouvelle vertèbre.
Il n’y a pas de surprise, la couverture est très explicite sur le sujet, nous parlerons bientôt de loup-garous… Mais est-ce vraiment le cœur de l’histoire ? Ou ne serait-ce pas plutôt l’histoire de Sasha et Marylou qui se renvoient les chapitres à tour de rôle pour dresser un portrait peu reluisant de Vieux-Boucau ?
D’un côté, Sasha jeune fille mal dans sa peau, qui aurait préféré être un garçon et fait tout pour ce comporter ainsi. Victime au sein de son foyer de maltraitance avec un père célibataire devenu violent et un frère Kevin qui ne l’est pas beaucoup moins. Nous sentons son mal-être mais aussi sa culpabilité au fur et à mesure de l’avancement des chapitres ainsi qu’une volonté de se rattacher au seul groupe qui l’accepte sans questionnement. C’est aussi une question par rapport à ce qu’elle est fondamentalement et de son rapport au genre et à la sexualité. C’est aussi une mise en avant de la difficulté d’être adolescent dans un petit village (ce sera aussi vrai dans une grand ville), lorsque nous sommes un peu « différent·e ».
De l’autre côté, Marylou, mère célibataire après que le père de Jonathan se soit tué en voiture. Sans revenus (en tout cas c’est ce que j’en ai déduit peut-être à tort), elle n’a comme planche de salut que son fils. Et elle va tout faire pour garder son petit auprès d’elle. Ce que nous allons découvrir de leur histoire est sordide, mais tellement probable pour certains parents au bord de la rupture: une réalité présentée toute crue.
A ne pas mettre entre toutes les mains… sans avertissement
Vous l’aurez compris, comme dans ces précédents romans, Morgane ne ménage pas son lecteur : c’est sanglant, c’est sordide et c’est effrayant de réalisme (pour tout ce qui n’est pas autour du loup-garou bien sûr). Les personnages sont perdus dans leurs contradictions, dans leurs corps mais aussi dans leurs actions.
Je ne connais pas Vieux-Boucau, mais je reconnais pour autant dans la description du village et dans la façon dont les résident·e·s détournent le regard ou font comme si tout allait bien plutôt que d’avoir le courage d’aider. Morgane connaît Vieux-Boucau pour y être née et elle avait aussi 10 ans dans les années du roman : le récit prend tellement aux tripes par moment que cela donne aussi l’impression que l’autrice veut nous jeter à la gueule (pardon) ce qu’elle a pu vivre adolescente.
Même si ce n’est pas le cas, que ce livre est bon : au-delà du sentiment de nous réveiller sur nos travers de « pas de vagues » et de continuer dans les veines de ses précédents romans, Morgane nous replonge aussi à la fin des années 90 , avec ce petit aspect nostalgique que nous trouvons dans certains romans de Stephen King…
Vraiment un très bon roman, qu’il ne faut pas mettre entre toutes les mains, et notamment pour ceux qui sont sensibles.
Au Diable Vauvert (07 octobre 2021) – 291 pages – 17 € – 9791030703269
Petite station balnéaire des Landes. Jonathan, dix ans, vient d’être kidnappé. On le retrouve une semaine après sur une aire d’autoroute. Sa mère peine à le reconnaître : bien des choses ont changé en lui, la plus déroutante étant l’apparition d’une vertèbre supplémentaire…
Une réponse à “Vertèbres de Morgane Caussarieu”
[…] Vertèbres de Morgane Caussarieu […]