Ce roman récemment paru aux éditions Au Diable Vauvert se veut un hommage à des monstres de la dystopie que sont 1984 de George Orwell, Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou encore Fahrenheit 452 de Ray Bradbury. Il est à noter que le roman a été publié en version originale sous un titre The Liberal Politics of Adolf Hitler qui ne laisse aucun doute sur la volonté de choquer de son auteur et en 2016 soit 4 ans avant la date officiel du Brexit.
Une Europe enfin unie…
Le premier élément à noter est que l’Europe a fini par s’unir sous un trigramme qui ne laisse aucun doute sur le modèle qu’elle veut employer à savoir United State of Europe. Après bien des années à tergiverser sur la méthode pour que l’Union Européenne fonctionne, les bureaucrates ont remporté le morceau, construisant une Europe totalement sous le contrôle de technocrates qui vont réussir à maintenir la population sous pression.
L’objectif est, bien sûr et comme toujours dans une dystopie, d’assurer le bonheur de nos concitoyens en leur permettant d’accéder à tous les services qui leur font envie, pour un peu qu’ils soient en ligne avec la ligne directrice étatique.
C’est pour cela qu’une administration de qualité s’assure que l’ensemble des rouages tournent bien et permettent à la société de ne pas être polluée par des perturbateurs qui pourraient faire germer de mauvaises idées dans la tête des européens. Celui qui représente le mieux cette bureaucratie d’état est Ruppert Ronsberger qui est un crate-Bureau de grade B+ et qui passe sa journée à s’assurer qu’aucun des concitoyen·ne·s qu’il surveille ne dérape dans ces propos ou ces actions. Ce contrôle sur la population s’étend bien sûr sur ces collègues, d’autant plus qu’il espère pouvoir évoluer vers un poste plus important lui permettant de mettre tous ses talents à la disposition de la Grande Europe.
Parmi les postes supérieur, celui de contrôleur lui irait très bien, et c’est l’occasion rêvée de découvrir à quoi il correspond avec Horace Starski, deuxième des trois personnages que nous suivrons dans ce roman. Horace a la particularité d’avoir vu la construction de l’U.S.E. et même d’y avoir participé. Il sera donc durant notre voyage celui qui pourra nous en apprendre plus sur la construction de l’Union et sur les réalités qu’elles cachent… Il a d’ailleurs une vision très personnelle des règles, et il profite de son statut pour s’assurer un certain niveau de bien être….
… aux mœurs plus discutables !
Mais pour en arriver à ce niveau de bonheur partagé, il faut savoir faire des choix. Parmi ces choix, nous découvrons vite qu’il y a un contrôle permanent de la population, par des personnages comme Ruppert. Le moindre écart à la doctrine européenne vaut pour dénonciation et possible enfermement par voie de conséquent… L’élite est prête à tout pour s’assurer le contrôle du peuple et la conservation de ses privilèges.
L’élement principal est le déni de l’histoire, qui est bien sûr un levier bien connu des populations et qui commencent par la manipulation de la vérité. Comment on y arrive ? Exactement comme l’avait démontré Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 et la destruction des livres. De façon à garantir que seule la vérité d’état soit partagée, les livres écrits sont désormais interdits et seront numérisés pour être ainsi manipulés, corrigés pour tenir le discours officiel. C’est ainsi que Churchill devient le mal absolu et qu’Hitler n’est qu’un brave gouvernant ayant voulu construire une Europe solidaire… Ce qu’il en reste d’ailleurs dans notre récit est le nom du sniffer informatique de notre bureaucrate préféré : il s’appelle tout bonnement « Himmler »…
Comme vous vous en doutez, nous sommes dans un mode de prédateur, et cette prédation ressurgit dans deux éléments que nous ne pouvons que voir, malheureusement, dans les actualités des puissants : la prédation alimentaire et la prédation sexuelle.
Commençons par la première, qui est bien mise en avant gustativement dans les activités de nos européen·ne·s : la viande est omniprésente, et la base de toute l’alimentation, le végétarien est vu comme un·e déviant·e. Même les sauces sont aromatisées à la viande ! Mais ce n’est pas suffisant et un des spectacle préféré de nos compatriotes alternatifs est de voir leur plat être grillé vivant devant eux. La scène avec les chiens et les dauphins est aussi effrayante qu’éclairante sur les mœurs alimentaires…
Si on en vient maintenant à la prédation sexuelle, nous apprenons rapidement qu’aucun tabou n’existe plus : la pédophilie est autorisée – pour ne pas dire encouragée – sous le prétexte que rien ne devrait entraver la liberté des personnes. Tout comme le viol qui est largement admis. Pour pousser plus loin, la prostitution est devenue monnaie courante, au travers de Deytes, des jeunes hommes et jeunes femmes venu·e·s de pays non-européens pour servir d’esclaves sexuel·le·s avant d’être renvoyé·e·s quand ils et elles n’ont plus d’utilité dans leur pays d’origine.
Bien entendu d’autres aspects sont abordés dans ce long roman que je vous laisse découvrir avec autant de surprise ou de dégoût face à ce monde libéral devenu complètement fou…
Et la résistance dans tout ça ?
Comme on s’en doute, ce genre de régime politique a bien entendu des détracteurs et détractrices. Anarchy in the U.S.E. n’y fait absolument pas exception. L’action, comme son auteur, étant anglaise, ainsi en est-il de la Résistance que nous pouvons découvrir à travers le troisième personnage de l’histoire Kenny Jackson, qui se trouve dans une petite bourgade isolée de l’Angleterre, à qui l’état fiche la paix mais pour combien de temps encore…
Là où réside l’intérêt de l’histoire de cette bourgade, est dans la raison qui en a fait un ilot isolé. Comme tous les autres résident·e·s de l’Europe, les locaux étaient hyper connectés et en ligne avec la vision globale. Puis une panne est arrivée, les coupant du reste du monde, et la durée de remise en état n’a pas été courte, la zone étant isolée. Pourtant, ce temps a permis à la population de comprendre qu’autre chose que l’hyper-connexion existait et a entraîné un rejet de ce nouvel ordre. Pour faire simple, la démarche n’a pas été volontaire mais plus la conséquence d’une déconnexion imposée par une faille technique… Intéressant à retenir 😉
Bref, vous allez plongé dans une dystopie extrême et satirique qui pourra sembler très exagérée à beaucoup d’entre vous. De la même façon, je trouve que le rapprochement avec les trois œuvres dystopiques majeures que sont 1984, Le Meilleur des mondes et Fahrenheit 452 me semblent exagéré : s’il est indéniable que nous retrouvons les travers déjà dénoncés dans ces trois monuments, Anarchy in the U.S.E. use de ficelles bien plus grosses qui décrédibilise un peu le tout… Pour faire simple, l’accumulation d’extravagance, qui individuellement semble « crédible » rend l’ensemble impossible à encaisser. De même, le faux rythme, rend le texte par moment long : nous avons l’impression de lire un texte linéaire sans soubresaut dans l’histoire même si la Deyte de Ruppert apporte un peu de dynamisme en déstabilisant les croyances du personnage.
Une dystopie particulière et probablement trop marquée pour emporter une adhésion générale mais qui met bien en lumière les perversions et travers de notre société.
Au Diable Vauvert (Septembre 2022) – 512 pages – 24,50€ – 9791030702514
Traduction : Diniz Ghalos (Angleterre)
Titre Original : The Liberal Politics of Adolf Hitler (2016)
United State of Europe : une société sous contrôle – entreprises, presse, édition, communication – où seuls les bons citoyens sont récompensés. Mais derrière les terminaux, la résistance s’organise.
Une réponse à “Anarchy in the U.S.E. de John King”
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