Bâtir le ciel est un premier roman de l’autrice Sarah Serre, tout juste paru aux éditions Le Mot et le Reste. Dans ce texte, entre littérature blanche et conte, nous allons suivre une jeune femme dans sa découverte d’un lieu étrange et génératrice de question.

Une ville et une île

Lorsque nous arrivons à Salve, nous découvrons une ville au bord de ce qui semble être un lieu plutôt touristique. Alors que Salve reste une ville traditionnelle, l’île à laquelle elle fait face est en perpétuelle mutation. Jour après jour, la ville s’étend vers le haut, vers le ciel avec cette tentation d’atteindre un objectif que seuls les bâtisseurs semblent connaître.

A Salve, une jeune femme décide de rejoindre cette île et de participer, au moins pour comprendre, à la construction. Elle rejoindra le groupe des Sculptrices et à ce titre, elle découvrira cette étrange construction, et les habitants et habitantes et qui contribuent à son extension. Ce sera aussi pour elle la possibilité de donner un sens à sa vie et de tenter de comprendre ce qui peut motiver cette population.

Une fuite en avant, ou plutôt en hauteur

Ce roman court (130 pages en version papier mais 70 en version numérique) va nous questionner sur ce qui peut animer toute une communauté à aller toujours plus loin et plus haut, nous questionner sur notre rapport au sacré aussi d’une certaine façon puisque nous nous poserons souvent la question de savoir si cette volonté de développement verticale n’est pas une volonté de se rapprocher de la déité.

Si je passe une après-midi à enlever la peau des raisins, je comprends vite que ça n’a aucun sens, mais si on leur dit que tel dieu – combien en ont-ils inventé ? – ne supporte pas la peau des raisins, alors ils ont l’impression d’être essentiels et de satisfaire au “sacré”.

La question aussi de la méthode sera au cœur de la réflexion de la jeune femme qui cherchera à comprendre comment sont exploitées les ressources pour permettre cette réalisation hors du commun, qui mêle dans un même ensemble passé et présent…

Il sera donc question dans ce récit de la vanité d’une part de l’humanité qui cherche toujours plus à se rapprocher d’un but inatteignable…

Sarah Serre nous déploie sa fable à la chute finalement prévisible avec beaucoup de talent.

Le Mot et le Reste (05 janvier 2024) – 130 pages – 18 € – 9782384312641

Rebutée à l’idée de passer son existence dans la très aseptisée ville de Salve, une jeune femme part pour rejoindre l’Île, la cité qui se construit vers le Ciel et à l’ombre de laquelle elle a grandi. Parvenue au sommet après l’épreuve de l’Ascension, elle intègre rapidement une nouvelle génération de Bâtisseurs et rejoint le groupe des Sculptrices. C’est ici, là où les êtres humains sont cernés par la pierre et marchent au bord du Vide, qu’elle pense trouver un sens à sa vie. Ainsi, pendant des années elle va s’oublier, alors qu’autour d’elle certains chutent ou disparaissent sous des décombres. Mais que cache l’acharnement des Bâtisseurs et d’où vient la pierre qui leur sert à pousser toujours plus loin les limites de leur quête d’Absolu ? Avec ce roman aux allures de fable, Sarah Serre questionne notre relation à l’art et à la communauté, nos croyances et dans le même geste, notre aveuglement.