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Chimera de Gert Nygårdshaug

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Je ne connaissais pas les éditions Gaia, qui sont associées à Actes Sud, et qui proposent des textes essentiellement dans les littératures scandinaves et serbo-croates. Il est donc logique de trouver au catalogue ce titre de l’auteur norvégien Gert Nygårdshaug, qui va nous plonger dans un futur proche.

Futur proche, biodiversité en danger !

On ne peut pas dire que l’auteur sente un avenir radieux pour l’humanité, loin s’en faut. D’ailleurs, le roman commence par la retranscription d’un échange entre l’auteur et un membre d’une ONG… Ce premier chapitre est d’ailleurs très perturbant car totalement décorrélée du reste de l’histoire, mais ceci est un autre sujet.

Nous voici donc quelques années dans le futur (enfin si on se réfère à cette traduction puisque le récit de l’auteur date de 2011), l’action se situe du côté du Congo au sein d’une structure scientifique, le CORAC (COngo RAinforst Center). Un groupe de scientifiques – incluant des biologistes, des botanistes, des zoologistes, …) de tout pays sont regroupés au sein d’un centre de recherche high-tech pour travailler autour de la biodiversité, pour constater les dégâts occasionnés pas aussi pour tenter de trouver des solutions.

Les ordures, les déchets, la pollution, les poisons fabriqués par une humanité qui n’en finit pas de réclamer plus de confort, plus à manger, de plus beaux vêtements, des équipements électriques plus modernes, des téléviseurs, des écrans, des ordinateurs, des voitures, des places dans les avions et des autoroutes de plus en plus large.

Le centre est sous la direction d’un français, Gauthier de Payens, qui espère réellement que les activités du centre permettront de contrer un peu toutes les nouvelles alarmantes qu’il voit remonter. Parmi les sujets qui sont suivis, les gorilles vont partie de l’activité principale du centre, un groupe dont le mâle dominant Nelson vient de complètement perdre pied. Alors qu’il s’était révélé être plutôt un meneur doux et intelligent, il vient de se faire exclure du groupe après avoir attaquer et tuer certains membres de sa communauté.

Ce changement de comportement interpelle les scientifiques qui vont tenter de comprendre la raison qui a poussé le paisible grand-singe à faire acte d’une telle violence. Contraint de le supprimer, le résultat sera une source supplémentaire d’inquiétude pour Gauthier de Payens : un nouveau virus est découvert, redoutable et implacable…

Un récit sans concession

Ce qui ressort du roman Gert Nygårdshaug. Dès les premières pages, on sent pointer le fatalisme de l’auteur qui ne semble pas croire en une quelconque capacité de réveil de l’homme. Le monde va mal, et pour s’en apercevoir, il suffira de suivre l’histoire du pays de chacun des personnages pour comprendre que la planète ne résiste plus à l’activité humaine : disparition des espèces, appauvrissement de la diversité biologique, crise écologique majeure, réchauffement climatique qui aboutissent fatalement à la faim dans le monde et à l’effondrement des économies, que ce soit australienne ou chinoise.

Bref, le monde qui nous attend ne va pas encore briller par le mieux vivre. Pourtant, nous sentons que cette communauté (faisant échos à quelques autres dans le monde, regroupée sous une entité plus importante IGLOO) pourrait faire partie de la solution, travaillant sans relâche à trouver des solutions. Le côté multiculturel de la communauté scientifique tend d’ailleurs à confirmer une volonté commune, même si cette volonté n’est absolument pas portée par des instances gouvernementales !

Il y a chez nous, dans les pays riches, un esprit arrogant et égoïste, une sorte de nouveau sectarisme qui nous pousse à nous replier sur nous-mêmes et ferme la porte aux autres. Nous sommes devenus une espèce corrompue, et l’Europe uen forteresse. Des dizaines de milliers de sans-abri et de gens affamés qui fuient les ravages des guerres essaient tous les jours d’escalader le mur qui nous sépare du reste du monde.

Chacun des personnages donc va contribuer à nous donner la photo du monde futur, et chacun avec sa personnalité, sa vision du monde va nous permettre de nous faire une opinion sur les options possibles.

Plus que tout, et pratiquement 10 ans avant la crise du Covid, l’auteur norvégien nous explique comment un virus pourrait contaminer le monde, quels sont les leviers pour déclencher une pandémie qui pourrait mettre à genou l’humanité. Les scientifiques se battent, certains avec optimisme, persuadés que des solutions sont encore possibles, d’autres sont beaucoup plus fatalistes et ne croient plus en un futur radieux. Et ces deux états d’esprit cohabitent dans ce huis-clos au plus profond du Congo.

Avec beaucoup de talent, l’auteur met en avant différentes questions et visions scientifiques, interrogent sur l’apparition conjointes de certaines espèces, comme si l’une avait pour objectif de mettre sous contrôle l’autre, mais aussi sur les politiques, nationales et internationales, sur la religion, sur la famille…

Le roman est riche et ces 500 pages s’enchaînent sans temps morts, vers une fin qu’on sent sur le fil du rasoir… Ce sera à vous au final de prendre la décision.

Je ne connaissais pas cet auteur, et j’avoue que j’ai été réellement embarqué par le ton et le style. +

Gaïa (Février 2023) – 494 pages – 23,90 € – 9782330177881
Traduction : Françoise Heide (Norvège)
Titre Original : Chimera (2011)
Couverture : Shutterstock

Forêt tropicale du Congo, 2030. Une équipe de scientifiques de différentes nationalités étudient les effets du changement climatique sur les espèces animales et végétales. Lorsque Nelson – le mâle alpha, au tempérament docile, d’un groupe de gorilles – commence à attaquer sans raison ses semblables, en dévorant même plusieurs d’entre eux, l’équipe décide de le neutraliser. Ils découvrent alors la présence d’un virus inconnu redoutable, susceptible d’effacer une grande majorité de la population mondiale, qu’ils surnomment Chimera. Mais là où certains y voient une menace sans précédent, d’autres entrevoient une lueur d’espoir pour la planète…


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