Retrouvez l’actualité des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction, Fantastique, Fantasy, et autre) ainsi que des interviews de celles et ceux qui les construisent.

La Machine à aimer de Lou Jan

,

La Machine à aimer est le nouveau roman de Lou Jan aux éditions Critic, son deuxième après Sale temps chez Rivière Blanche. Le livre qui parait donc aujourd’hui, bénéficie d’une magnifique couverture d’Aurélien Police, reflétant totalement l’ambiance du récit de l’autrice. Plongée dans un futur où les robots sont au service de l’homme, pour ce second roman du triptyque…

Tout commence par une décision…

qui va changer la face du monde. Dans ce futur, non situé temporellement mais on peut imaginer un futur relativement lointain, les machines ont pris de plus en plus de places. Et il semble que deux types de robots soient au service de l’humanité : ceux qui vont permettre de faciliter la vie quotidienne en prenant une partie du travail et bien entendu aussi des tâches ménagères et des robots beaucoup plus évolués qui vont répondre à des besoins d’amours, mais pas uniquement dans le cadre de l’amour de couple, cela peut-être aussi l’amour familial au sens plus large voire l’amour au sens religieux du terme.

L’humain se montre intransigeant face au meurtre de ses semblables. Mais l’élimination des autres créatures l’indiffère. Pourtant, en sauvant les espèces qui partagent la terre avec lui, il se sauverait lui-même.

Toujours est-il que ces robots ont une intelligence largement développé et un code qui est protégé bien entendu pour éviter tout dérapage… Pourtant, c’est cette même intelligence et le poids que ces androïdes prennent dans la société qui commencent à effrayer les instances dirigeantes de la planète. Une seule solution pour éviter toute emballement des machines, et ne pas craindre un résultat à la Terminator : éliminer une fois pour tout le danger en détruisant de façon générale cette population technologique.

Alors, le monde se prépare à voir disparaître ceux et celles qui furent leurs compagnons, et ce qui est appelé le génocide cybernétique est déclenché… Alors que toutes les machines étaient destinées à disparaître, un bug fait que Nobod, machine à aimer, tout juste sortie des usines de fabrication, échappe à la destruction. Consciente que sa vie ne tient qu’à un fil, elle tâchera de se protéger et de rester en vie.

Dans sa fuite, elle rencontrera de nombreuses personnes qui tenteront soit de l’arrêter soit de l’aider et qui nous permettront dans le même temps de découvrir ce futur étrange.

Aimer envers et contre tout…

C’est un peu le programme inscrit en dur dans les circuits de Nobod, ce qui rend sa survie d’autant plus difficile puisqu’elle ne peut pas haïr, même les personnes qui vont vouloir intenter à sa vie. Sa première rencontre en fera une esclave sexuelle, on pourra discuter du consentement, et on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement à la prostitution telle qu’elle existe aujourd’hui (mais peut-être me trompe-je dans le propos) : Nobod accepte de se prostituer et de remplir son rôle de machine à aimer, mais parce que l’autre option qui lui reste est la dénonciation conduisant à sa mort. Bref, on comprend que sa vie ne démarre pas sous les meilleurs auspices. Ce temps nous permet néanmoins d’en apprendre un peu plus sur la société dans laquelle nous évoluons, puisque nous apprendrons que les néandertaliens ont été recréés pour permettre de répondre à certains besoins sociétaux.

Page après page, nous suivons donc Nobod, qui changera d’identité pour se couvrir (même plus que d’identité) et occupera différents postes qui permettront encore une fois de nous questionner face à cette société où les différentes personnes cherchent leur place, cherchent aussi d’une certaine façon leur identité. Il y est question d’amour et de fidélité, de couples aussi et d’identité sexuelle.

La dimension d’identité sexuelle est d’ailleurs un des sujets qui fait la aussi écho à des problématiques de notre époque, aux questionnements que peuvent se poser certains / certaines : Nobod, machine « féminine », pour se cacher, sera hébergé dans un corps de machine « masculine » … Du coup, c’est toute son identité, son ressenti qui remonte à différents moments de l’intrigue. Cette difficulté à trouver un équilibre entre ce qu’il/elle est physiquement et ce qu’il/elle est intérieurement aura des conséquences dans son rapport à l’autre mais sera aussi la conséquence de souffrance pour les personnes qu’elle rencontrera.

Changer de genre tient de la gageure. Elle préférait sa précédente identité féminine. Jouer au mâle ne l’emballe pas. Elle n’en laisse rien paraître par respect envers sa bienfaitrice.

Bref, il est beaucoup question d’amour dans ce roman, de l’amour dans toutes ses formes, dans une société qui semble un peu perdue.

Pour autant, il serait dommage de limiter à cette seule thématique le récit, puisque remonte pour moi le sujet de l’humanité. Trois populations sont présentes dans la société. Les Sapiens, qui domine comme ils le font depuis des millénaires et sont aux affaires. Ce sont eux qui ont le pouvoir sur les deux autres populations, d’un côté les néandertaliens dont la population est génétiquement contrôlée et les machines dont nous avons vu qu’un clic suffit à détruire. Dans cette société, on ne peut pas échapper à la question de savoir ce qui définit le vivant, et à quel moment se fait la bascule. Cela est d’autant plus vrai quand on voit l’énergie que met Nobod à survivre.

L’intelligence seule ne suffit pas à rejoindre l’élite de la création. Il faut être vivant pour mériter un salaire. Kérone frissonne à l’idée que l’économie mondiale tient à un point de vocabulaire. Qu’adviendrait-il si quelqu’un élargissait la définition du « vivant » ?

L’écriture de Lou Jan est fluide et percutante. Les mots, les phrases, les pages s’enchainent, aussi vite que la fuite de Nobod. Le roman peut paraître un peu court : ce n’est pas le cas.. Chaque phrase est ciselé pour passer le bon message, la bonne action, et nous laisse à peine le temps de reprendre notre souffle.

Il est important de préciser, et sera ma conclusion, qu’une autre histoire se dessine en trame de fond, une dimension politique qui monte et qui nous prépare au prochain volume qui me semble prendre un chemin très intéressant… En espérant que nous n’attendrons pas trop longtemps la suite.

Critic (23 juin 2023) – 192 pages – 18 € – 9782375792773
Couverture : Aurélien Police

Les machines sont au service de l’homme dans sa vie quotidienne, et les robots intelligents programmés pour aimer font même de parfaits compagnons. Trop, peut-être. Au point que l’humanité prend peur et décide de les liquider. Un génocide cybernétique dont Nobod réchappe par la grâce d’un bug inopiné.
Pour survivre dans un monde hostile, elle va devoir dissimuler sa véritable nature et composer avec l’humain. Ses épreuves ne font que commencer.


Une réponse à “La Machine à aimer de Lou Jan”

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.