De nombreuses questions se posent actuellement autour des littératures, les littératures de l’imaginaire n’échappant bien entendu pas à cette analyse critique : quelle place pour la diversité dans les écrits, que ce soit du côté auteurs / autrices mais aussi du côté des personnages. Ces questions sont au cœur de nombreux débats, et la façon de les adresser ne cessent de faire des remous.
Ketty steward est publiée depuis 20 ans maintenant, et elle a pu faire au travers de son expérience personnelle, un certain nombre de constats, dont il est question ici, pour nos littératures de l’imaginaire.
Il est à noter que l’essai est préfacé par Catherine Dufour, dans un texte qui donne le ton de l’écrit de Ketty… Drôle, percutant et à punchlines.
Un état des lieux documenté…
Il n’y a aucun doute sur le fait que l’essai de Ketty va faire réagir, le titre en lui-même suggérant une nécessité d’action autour de cette représentation de la pluralité dans les littératures SF. Ketty nous partage l’état de la SF et son historique
Le premier constat est la présence des femmes dans nos littératures, basé sur les chiffres produits dans le cadre de l’Observatoire de l’Imaginaire, et mettant en avant une présence plus marquée des hommes (pour les 2/3) en littérature d’imaginaire et constatant aussi que les femmes sont mieux représentées en littérature jeunesse. La question que pose l’autrice-essayiste est bien plus sur les conséquences de cette sous-représentation dans ce que cela peut biaiser une vision du monde.
J’ai indiqué ne pas souhaiter incarner l’alterité, rappelant que je pensais être une personne, un être humain, tout simplement et pas une représentante extraterrestre qu’il faudrait maintenir à part.
Mais Ketty nous alerte aussi, s’appuyant sur son expérience propre, sur la manière d’aborder la diversité… Dans l’approche, dans les thématiques qu’on lui a proposé (comme l’Afro-Futurisme), Ketty nous montre à quel point l’enfer est pavé de bonnes intentions… Voulant mettre en avant la diversité, l’effet inverse se produit, mettant plus l’accent sur la différence.
Bien entendu, cette situation fait suite à un historique, une mise en avant des grands noms de la SF, des pionniers, qui servent de références encore aujourd’hui et sont les immanquables. Sans remettre en cause la qualité des textes, est mis en avant le côté invisibilisation des femmes mais pas que, puisque le rôle que tiennent les femmes dans ces premiers romans (souvent tenues dans des rôles secondaires ou de femmes à sauver) sont à l’opposé du côté “viril” et sauveur du monde des hommes…
… et une volonté de nous questionner
C’est principalement de mon point de vue, l’objectif de Ketty dans l’ensemble de son essai, qui nous raconte donc avec beaucoup d’intelligence et d’humour son vécu, sa vision et ses propres questionnements sur la SF dans le paysage français aujourd’hui.
Il est vraiment difficile de comprendre certains vécus, dans la mesure où, en tout cas par ma part, j’en suis pas “victime” (si tant est que ce soit le bon terme) : Le futur au pluriel réparer la science-fiction m’a permis de mieux appréhender ces questions, de mieux comprendre les ressorts qui peuvent marginaliser ou renforcer cette invisibilisation.
Ketty balaie de nombreux sujets, parmi lesquels donc les pionniers de la SF, l’utilisation même du mot autrice pour désinvisibiliser, mettant en avant par exemple que s’il est demandé de citer 10 auteurs de SF, ce sont des hommes qui seront nommés. Ella aborde aussi nos biais par rapport au côté divinatoire de la SF ou encore l’utilisation de la SF dans la société, notamment avec l’exemple de la Red Team.
Elle questionne aussi sur le rôle des autrices de SF dans cette diversité et comme vectrices d’une transformation, par le détachement d’un adoubement masculin.
Tant que les femmes qui parviennent à faire carrière se penseront meilleures que celles qui n’ont pas été adoubées par les hommes, nous n’avancerons pas;
Tant que nous n’aurons pas saisi la dimension collective et systématique de l’effacement, nous penserons et défendrons nos intérêts individuels et perpétuerons un système qui produit des inégalités et s’en nourrit.
Ketty nous avait indiqué qu’il s’agissait d’une proposition, un moyen de ce mettre juste sur le bord de la route pour regarder ce qu’est aujourd’hui la SF, dans d’un point de vue écriture, que d’un point de vue fandom… Mission réussie : ce texte nous permet de voir un vision d’ensemble, de comprendre certains rouages et de nous pousser à la réflexion sur ce que NOUS voulons faire de la SF demain.
Ce texte est définitivement utile à tout ceux et toutes celles qui veulent se poser les bonnes questions, qui espèrent faire évoluer la SF pour prendre en compte les évolutions de la société.
Editions de l’Inframonde (avril 2023) – 256 pages – 22 € – 9782958768201
Couverture : Solenn Deléon
Pourquoi les futurs de la science-fiction sont-ils souvent coincés dans les années soixante-dix ? Comment dépasser une vision monolithique, masculine, blanche, valide et hétérosexuelle de cet imaginaire ? Et comment donner la parole à d’autres histoires, des récits courts, collectifs, alternatifs, dans un milieu aussi codifié ?
Ce livre n’est pas une nouvelle histoire de la science-fiction. C’est une proposition : celle de faire un pas de côté pour observer le genre et son fandom dans son actualité, sa pluralité et au travers des problématiques qui le traverse.
Ketty Steward, autrice de science-fiction depuis 20 ans, nous sert de guide dans cette exploration passionnante du genre. Forte de son expérience, elle nous offre une analyse riche et documentée de la science-fiction contemporaine en France. En explorant une part souvent négligée du genre, celle des marges, l’autrice nous propose de construire ensemble d’autres manières d’imaginer l’avenir.
Loin d’être un simple retour critique, ce texte est un début de conversation avec qui aime la science-fiction, avec qui souhaite la découvrir dans toute sa multiplicité et contribuer, peut-être, à la réparer.
