Kim Stanley Robinson est un grand auteur de Science-Fiction qu’on ne présente plus et qui était présent cette année aux Utopiales de Nantes. L’occasion d’ailleurs de l’interviewer, une interview que je vous partagerai un peu plus tard. En attendant, l’actualité est pour lui la traduction chez Bragelonne de Le Ministère du futur, un roman qui donne un peu d’espoir en nous rappelant où nous en sommes et le risques que nous courrons.
La crise climatique est déjà là…
et ce n’est pas une surprise de le dire tout de go. D’ailleurs, tout commence dans Le Ministère du futur par un drame humain conséquent se déroulant en Inde. Frank May est un bénévole d’une Organisation Non Gouvernementale intervenant en Inde pour aider les populations. Ce pays, et c’est déjà le cas, subit des événements climatiques importants, et tout particulièrement au début du récit, puisque les températures sont élevées et l’air chargé d’humidité. L’occasion pour moi de découvrir que cette chaleur humide a pour conséquence d’empêcher le corps de transpirer, entraînant la mort par manque de capacité à refroidir…
Jurgen ajoute que c’est bien pourquoi les réassureurs veulent atténuer le dérèglement climatique : ils ne peuvent pas indemniser la fin du monde.
Et c’est exactement ce qui se passe en Inde, où en plus de ces températures humides, l’électricité qui permettrait de rester chez soi pour utiliser la climatisation, tombe en panne. Le résultat est, comme on peut s’en douter, des millions de morts… Des millions de morts, mais surtout un survivant qui sera un des deux protagonistes principaux que nous suivront : le fameux Frank May
Mais cela se passe en Inde et il est difficile pour les pays “occidentaux” de se sentir concernés, et il ne semble pas visible que les COP permettront de baisser le bilan carbone. Ce qui fait surgir les enfants de Kali qui vont prendre les mesures pour se débarrasser des plus gros pollueurs pendant que de son côté les instances internationales vont tenter de trouver la structure qui devrait permettre de suivre les démarches de lutte contre le réchauffement climatique.
C’est ainsi que naîtra une agence internationale, qui sera de façon ironique appelée “Le Ministère du Futur” par un journaliste. Placée sous la responsabilité de Mary Murphy, elle aura pour objectif de trouver et proposer des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. Les enjeux ne sont rien moins que la survie de la planète et de l’humanité, et comme souvent avec ce genre d’agence, les moyens restent très dépendants de la volonté des différents états.
Le récit va donc nous proposer de suivre durant de nombreuses années les deux personnages et leurs actions pour définir une trajectoire de sortie de crise.
… et les solutions existent depuis longtemps !
Il est important à mon sens de préciser que le roman de Kim Stanley Robinson n’est pas “juste” un roman. Nous sommes réellement à la frontière entre le roman et l’essai et j’ai même tendance à penser que le récit du point de vue de Franck et Mary reste relativement anecdotique. D’ailleurs, je pense que de nombreux lecteurs ont trouvé que les personnages manquaient de charisme et ne nous incitait pas vraiment à l’empathie… Mais cela n’est pas grave car l’essentiel n’est pas là.
Chapitre après chapitre, Kim Stanley Robinson décrit en parallèle de cette trame de fond des situations un peu plus individuelles, la façon dont certains et certaines vivent cette crise mais pas uniquement d’un point de vue écologique mais aussi d’un point de vue économique ou encore politique.
Beaucoup de chapitres concernent des initiatives ou des réponses qui ont été discutées depuis de nombreuses années et permettraient de pouvoir, si elles étaient appliquées, d’améliorer la situation. Je pense notamment à la société des 2000 Watts, décrite dans un des chapitres.
Le paradoxe de Jevons énonce qu’une meilleure efficacité dans l’usage d’une ressource entraîne une augmentation et non une baisse de l’exploitation de cette ressources.
L’auteur nous permet de découvrir de nombreux aspects qui nous feront réfléchir sur ce que pourrait être un monde plus juste demain, permettant à tout à chacun de pouvoir subvenir à ses besoins sans dépasser un certain niveau de vie. Nous voyons tout au long de ce roman, le poids des banques, des banques centrales et des états.
Alors bien sûr, il y a aussi cette dimension terroriste qui est portée par les Enfants de Kali, conséquence directe du drame que l’Inde a vécu, qui va servir d’accélérateur pour certaines décisions, comme si l’humanité ne pouvait trouver des solutions que contrainte et forcée par ce genre d’action, alors même que Mary semble devoir ramer pour permettre à son agence de faire appliquer certaines règles.
Le récit que nous propose Kim Stanley Robinson est donc un récit qui vous amènera surtout à réfléchir, plutôt que d’être un simple roman de Science-Fiction climatique…
Il vous faudra donc le lire uniquement en prenant en compte ce double objectif d’histoire ET de réalité écono-écolo-politique :).
Bragelonne (Octobre 2023) – 547 pages – 25 € – 9791028120863
Traduction : Claude Mamier (Etats-Unis)
Titre Original : The ministry for the future (2020)
Couverture : Sybille Sterk
Établi en 2025, l’objectif de la nouvelle organisation était simple : plaider pour les générations à venir du monde et protéger toutes les créatures vivantes, présentes et futures. Il fut vite surnommé « le Ministère du Futur ».
Raconté entièrement sous forme des témoignages directs de ses personnages, Le Ministère du Futur est un chef-d’œuvre de l’imaginaire, l’histoire de la façon dont le changement climatique nous affectera tous dans les décennies à venir.
Le décor n’est pas un monde post-apocalyptique et désolé, mais un avenir qui nous fonce dessus… et où il nous reste une petite chance de surmonter les défis extraordinaires auxquels nous devons faire face.