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Rouge de Pascaline Nolot

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D’abord paru aux éditions Gulf Stream, Rouge de Pascaline Nolot a intégré le catalogue Pocket, mention Les Etoiles Montantes de l’Imaginaire. Dans ce roman percutant, Pascaline revisite le conte du Petit Chaperon Rouge et en profite pour remettre quelques pendules à l’heure….

Il était une fois…

Malombre, un petit village qui ressemble à tous les autres petits villages. La communauté est solidaire, sous le patronage d’un prêtre, le Père François, qui est probablement le plus écouté. Rien ne semble a priori pouvoir troubler la quiétude du patelin… Sauf que…

Sauf que ce village abrite en son sein “Rouge”, une jeune presqu’adolescente, fille de Gauvain, l’aubergiste et d’une mère qui est morte à sa naissance. D’ailleurs, sa parenté et sa naissance pose beaucoup de questions, et notamment la paternité : il est considéré par tous que Lisiane, la mère de Rouge, a totalement sombré dans la folie, a forniqué avec le démon, ce qui explique le physique de la demoiselle qui en plus d’une excroissance au-dessus de l’oeil, se retrouve affublée d’une tâche rouge qui couvre une bonne partie de son visage… Cachée sous une pelisse, Rouge est victime de toutes les humiliations possibles, à longueur de journée. Seul Liénor semble prendre de la distance par rapport à l’attitude générale et demeure ce qui se rapproche le plus d’un ami.

Pourtant, la présence de la fille présumée d’un démon n’est pas le seul problème auquel est confronté le village puisqu’une sorcière, qui se fait appeler Grand-Mère, exige depuis près de dix ans désormais que les filles lui soient envoyées dès leur premier sang, et dans une période de 7 jours sous peine de subir une malédiction plus importante encore… Et c’est au tour de Rouge de devoir s’y rendre, accompagnée comme d’habitude par les loups, et avec à la main quelques galettes. Bien qu’aucune jeune fille ne soit revenue de ce rendez-vous, Rouge s’y rend avec une forme de soulagement, heureuse presque de quitter ce village qui l’a refuse.

… une société de faux semblants

Vous l’aurez compris, l’autrice joue avec les codes du conte du Petit Chaperon Rouge, avec Grand-Mère, loups et comme vous vous en doutez, le Chasseur ne sera pas loin non plus. Mais ne vous attendez pas à ce que le conte soit gentil ou mignonet. Le destin de la jeune fille est terrible et elle espère pouvoir trouver des réponses d’abord sur sa mère mais aussi sur ce que deviennent les filles envoyées chez Grand-Mère. Le récit proposé par l’autrice couvrira trois temporalité même si les deux premières sont les plus présentes dans le récit.

Ces us ornementaux symbolisaient la coloration des menstrues qui s’invitaient un jour sans crier gare entre les cuisses d’une fille. La coutume exigeait également de gifler la demoiselle concernée, dès les premières gouttes répandues et la nouvelle connue.

L’histoire de la jeune fille n’est pas très claire et les conditions de sa naissance font partie des sujets qui interpelle lors de la lecture. Voici donc une jeune femme follement amoureuse de son mari Gauvain avec qui elle veut avoir un enfant, un couple qui nage totalement dans le bonheur jusqu’à ce que, pour une raison que nous ne comprenons pas, la jeune femme devient mutique, violente envers les autres et elle-même. Rapidement, on se rend compte que Lisiane est enceinte : elle accouchera dans la douleur, sans survivre. Le père est effondré et rejette totalement la fille issue du ventre de sa femme ; pire, il l’affuble d’un nom qui reflète toute la haine qu’il lui portera : Rouge… Personne n’a compris ce qui est arrivé à Lisiane, et les rumeurs vont du coup bon train : c’est un des axes narratifs du récit, un axe qui prend une dimension de plus en plus importante et nous permettra de comprendre bien des choses…

Le deuxième axe est bien entendu l’histoire même de Rouge, sa vie au village, à subir vexations et humiliations, portées et amplifiées par la dimension religion et superstition. Le parcours de la jeune femme dans les bois, et ces rencontres qui lui montreront une nouvelle fois les pires visages de l’humanité. Perdue dans un premier temps, agressée, elle devra rejoindre néanmoins son destin et tenter d’imaginer qu’elle pourrait avoir une vie meilleure. D’ailleurs, un passage (que je ne vous dévoilerai pas) nous donnait un peu d’espoir pour la jeune fille, rapidement et malheureusement balayé.

Dernier axe, celui de la Grand-Mère, dont l’histoire est aussi un exemple du poids du patriarcat sur le destin des femmes.

Des personnages forts et ambigus

C’est ce que nous pourrons retenir de ce récit et du travail de Pascaline avec les différent.e.s protagonistes de ce roman…

Au-delà du personnage de Rouge, que nous découvrons en même temps victimes de ces camarades et du village et forte dans la gestion de son destin, et bien entendu dans le personnage de Lisiane qui passe d’épouse aimante à femme possédée, d’autres personnages vont présenter des facettes totalement différentes en fonction de la situation.. Cette ambivalence des personnages est le point fort de ce récit, faisant passer le côté un peu manichéen que nous voyons souvent vers une nuance beaucoup plus riche de comportements et de réactions.

… je ne saisis plus très bien. Qui, selon toi, t’a astreint à ces agissements obscènes : le Diable… ou le décolleté ?

J’ai eu une sympathie particulière pour deux personnages : la Grand-Mère dont l’existence est aussi une conséquence de la société à laquelle elle appartenait, plus qu’une femme dont le destin était de se faire envoyer des jeunes filles. Le deuxième personnage étant Liénor, qu’on sent prêt à aider Rouge et qui est celui qui aura le plus d’empathie avec l’orpheline, et cela en dépit de la volonté de sa mère, hyper-protectrice. Nous découvrirons d’ailleurs tardivement la raison de tout cela, et c’est plutôt une bonne trouvaille.

Vous l’aurez compris, le récit que vous allez découvrir, le village dans lequel vous allez atterrir est violent, dur et vous retrouverez bien des éléments qui font écho à notre quotidien, et nous comprenons vite que les femmes (Rouge, Lisiane, Grand-Mère mais pas que) sont des victimes d’une société qui les enferment ou veulent les enfermer, et dont la parole n’a pas le même poids que celles des hommes.

Pourtant, ne vous imaginez pas une seule seconde être confrontré.e.s à un roman moralisateur ou à charge : Pascaline vous propose un vrai récit, bien écrit, bien construit, intelligent… Une belle découverte pour moi qui ne connaissait pas l’autrice.

Pocket (Avril 2023) – Les étoiles montantes de l’imaginaire – 334 pages – 8,60 € – 9782266325691
Couverture : Frédéric Tacer

Accroché au versant du mont Gris et cerné par Bois Sombre se trouve Malombre, hameau battu par les vents et la complainte des loups. C’est là que survit Rouge, rejetée à cause d’une particularité physique. Rares sont ceux qui, comme le père François, éprouvent de la compassion à son égard. Car on raconte qu’il ne faut en aucun cas toucher la jeune fille sous peine de finir comme elle : marqué par le Mal. Lorsque survient son premier sang, les villageois sont soulagés de la voir partir, conformément au pacte maudit qui pèse sur eux. Comme tant d’autres jeunes filles de Malombre avant elle, celle que tous surnomment la Cramoisie doit s’engager dans les bois afin d’y rejoindre l’inquiétante Grand-Mère. Est-ce son salut ou bien un sort pire que la mort qui attend Rouge ? Nul ne s’en préoccupe et nul ne le sait, car aucune bannie n’est jamais revenue…


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