L’année 2023 est lancée du côté des Etoiles Montantes de l’Imaginaire de Pocket avec Le Chant des glaces de Jean Krug. Il est peut-être utile de préciser que ce roman est le premier de l’auteur dont le métier est… Glaciologue et que le roman a été primo-édité aux éditions Critic. Bien que la thématique soit bien différente de Symphonie Atomique, de son confrère Etienne Cunge, il est intéressant de voir que de nouvelles voix de la SF apparaissent, s’appuyant sur leur connaissance “métier”. Le titre ne laisse que peu de surprise quant aux thématiques abordées, il sera bien question de glace dans ce récit.

Une planète prison pour extraire la glace.

L’essentiel du début de ce récit se situe sur Delas, une planète bien éloigné de notre Terre. Même si le détail de cette conquête spatiale n’est pas connue, nous comprenons très vite que l’humanité a réussi à s’extraire de notre galaxie pour disséminer notre présence dans tous l’univers. Les voyages dans l’espace sont devenus communs et des zones d’influence se sont créées, et avec cela, l’humanité étant ce qu’elle est, des zones de tension et des oppositions politiques / militaires.

La planète Delas est une sorte de planète prison, une planète glaciaire et très occupé par les hommes car, comme on s’en doute là aussi, la glace / l’eau est une denrée vitale. C’est la raison pour laquelle des détenus y sont envoyés et travaillent à extraire de la glace pour le reste de l’univers. Dans leur quotidien, il risque en permanence leur vie avec l’espoir de pouvoir partir un jour, de rejoindre une planète plus hospitalière.

Au-delà de la glace “traditionnelle”, le Cryel se révèle être une richesse de la planète Delas, une glace concentrée et dont la valeur est à la hauteur de son apport énergétique et scientifique. Sa particularité la rend difficile à trouver, difficile à détecter mais surtout, difficile à récupérer. Seule une poignée est capable d’aller chercher et de ramener ce matériau, parmi lesquels nous trouvons Bliss et Fey, des “chanteurs” aussi talentueux que rebelles.

Comme beaucoup, ils sont révoltés par la façon dont ils sont traités et par l’absence d’avenir ; ils sont aussi dans une volonté de s’opposer au pouvoir en place… Alors quand l’occasion leur est donnée de pouvoir racheter leur départ, ils ne vont pas trop hésiter.

Un roman sur la révolte

Nous comprenons dès les premières pages que le monde dans lequel nous atterrissons n’est pas celui qui nous est vendu… J’entends par là que le côté “Travaux d’Intérêt Général” qui consiste à utiliser des détenus pour le bien de tous, par l’extraction de glace, ne tient la route que pour ceux qui veulent y croire. Rapidement, nous découvrons par exemple que Bliss et Fey sont finalement plus des esclaves que des travailleurs qui paient leur dette. Cela est d’autant plus vrai pour Bliss qui est une fille de détenus, au passé douloureux et qui reste très à cran sur les différents sujets.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de leur travail, ils sont dans une opposition militante et active contre les cadres et les politiques de la planète. Malgré tout, ils restent considérés, comme les autres “chanteurs”, comme une frange favorisée, là où leur vie est constamment mise en danger. Cette “hiérarchie” de la pauvreté ou de l’esclavage, est très favorisée par les instances dirigeantes de la planète, sur le mode “diviser pour mieux régner”, j’imagine.

De l’autre côté de cette balance, nous trouverons Jennah, une jeune femme, scientifique et glaciologue, qui va vouloir vérifier sa théorie. Elle aussi est une révoltée, une scientifique qui pense que la recherche doit profiter à l’ensemble de l’humanité et non pour le seul bénéfice des militaires… Mais comme souvent, les fonds permettant de faire avancer la science sont du côté de l’armée…

Et voici que ce petit groupe, accompagné d’un ancien pilote dont la condamnation est discutable, va travailler ensemble pour trouver le cryel le plus pur…

Un récit glacial et dur

Le récit que nous propose Jean Krug va se révéler aussi froid que la glace dont il est question tout au long de l’histoire. Nous sentons le vécu de l’auteur dans la description des scènes dans les glaciers, la montée avec les différents outils et le ressenti des personnages. Nous percevons aussi la dureté de certains acteurs, leur économie de mot dans certains cas aussi et surtout cette forme de confiance aveugle qui leur permet de franchir de nombreux obstacles.

Nous sentons aussi tout ce poids de cette société qui continue à exploiter les populations (ici des détenus et descendant de détenus) pour le bénéfice d’une élite.

Un roman donc sur la rebellion et sur l’amitié. Un roman qui nous montre aussi que l’humanité reproduit les mêmes schémas, encore et encore, dans une opposition constante…

Un premier roman réussit donc en attendant Cité d’ivoire, son deuxième roman à paraître chez Critic.

Pocket (Janvier 2023) – Le Etoiles Montantes de l’imaginaire – 461 pages – 9,70 € – 9782266330510
Couverture : Pascal Casaroli

Delas est une planète glaciaire dont les ressources, extraites jour et nuit par des milliers de prisonniers, alimentent en eau potable le reste de la galaxie. Mais on y trouve également le cryel, un morceau de glace aux propriétés spéciales que seuls les plus agiles des détenus parviennent à prospecter : les chanteurs. Lorsqu’un jour, l’occasion est donnée à Bliss et Fey, chanteurs insurgés, de se libérer, ils n’hésitent pas une seconde.
Accompagnés par Nox, ancien pilote et Jennah, scientifique exilée, ils vont plonger au coeur du plus gigantesque des glaciers. Et dans les méandres de ses galeries obscures, animés par la quête folle d’un cryel parfait, c’est surtout leur propre conscience qu’ils vont explorer. Avec cette question lancinante : “Au fond, quelle liberté ?