En ce début d’année, le duo Oksana et Gil Prou nous propose deux nouveautés dans la collection Rivière Blanche des éditions Black Coat Press. Après vous avoir présenté Ereshkigal dans la collection “noire”, parlons de Soliloquium in Splendor, qui a aussi servi de base à l’album éponyme du groupe Grande Loge.
Huit morts et un emprisonnement
Le récit qui nous ait proposé est aussi étrange que l’est la couverture du roman et il me faut reconnaître que je n’ai pu quitter cet état d’étrangeté tout au long du roman. Cinq femmes et trois hommes se réveillent dans un lieu qu’ils et elles ne connaissent pas. Venus d’époques différentes et de lieux différents, ils ont pour point commun d’avoir vécu des morts douloureuses.
Rapidement, la question de la raison de leur présence en ce lieu et de ce qu’ils doivent y faire se pose sérieusement. Cette question est d’autant plus difficile que les règles de physique de ce lieu sont différentes de celles que nous pouvons connaître dans notre réalité, dans notre quotidien.
Où aller et surtout quelles actions doivent ils mener pour se libérer du lieu, que ce soit en disparaissant définitivement ou en renaissant sous une autre forme ? C’est la question que nous allons nous poser – et surtout que vont se poser – les personnages tout au long de cette aventure très étrange.
Cet univers ne pouvait en aucun cas distiller le temps au rythme alangui d’une rivière sinuant dans une vaste plaine. Chaque seconde structurait différemment l’espace. Chaque sensation était vécue d’une manière diamétralement opposée selon l’endroit où l’on se trouvait. Chaque début de phrase correspondait à une émotion démentie par d’autres avant même que le flux mental s’achève. La vie refuse toute linéarité, s’imprégnant ainsi de l’exubérance quantique qui fluctuait sans repos au cœur du dédale.
La situation devient particulièrement désagréable pour toutes et tous lorsqu’ils se rendent compte qu’ils vont devoir subir, collectivement, les morts des uns et des autres, avec pour cible, peut-être, de mieux comprendre ce nouvel univers.
Une expérience de lecture unique
Je dois avouer que j’ai beaucoup de mal à rédiger cette chronique, tant le livre m’a emmené dans une expérience de lecture particulière.
Le premier point à noter, est que nous allons parler ici de cosmogonie, une discipline qui nous parle de la création du ou d’un monde, sur un axe plutôt mythologique, je ne voudrais pas, par méconnaissances, communiquer de travers sur ce domaine.
Toujours est-il que la zeptoseconde est l’unité de mesure de ce roman, correspondant scientifiquement à un temps 10 puissance moins 21 seconde, qui va se révéler être en même temps particulièrement long, permettant la création d’univers, et en même temps particulièrement court. Cette mesure correspond d’ailleurs au chapitrage du roman. Ce découpage nous permet peut-être d’appréhender mieux cette notion tellement théorique.
Dans le même temps, j’ai vécu l’ensemble du récit comme une ballade, comme un voyage des huit personnages d’Oksana et Gil, en quête d’une forme de libération de l’esprit, de nettoyage de toute cette douleur qu’ils ont individuellement subie pour devenir collectivement plus fort. Cette déambulation dans cet univers étrange nous permet, grâce aux nombreuses explications qui jalonnent les notes de bas de page, de comprendre un certain nombre de concepts qui sont bien loin de mes lectures habituelles.
Pour conclure, ce titre est à recommander pour ceux et celles qui souhaitent découvrir un univers plus complexe, original et radicalement différent de ce que nous rencontrons habituellement.
Black Coat Press (Avril 2023) – Rivière Blanche – 331 pages – 24 € – 9781649321992
Couverture : Marije Berting
Huit. Huit damnés. Prisonniers d’un vide quantique qui est matrice de Tout, ils revivent sans cesse les atroces conditions de leur trépas. Au milieu d’un dédale aussi vaste qu’une planète géante, les rescapés d’un Enfer qui les a rejetés côtoient désormais d’hallucinantes créatures dissimulées derrière des brumes de lumières pastel.
Pour quelles raisons sont-ils encore vivants après avoir été torturés et tués ? Quelle civilisation sophistiquée élabora ce labyrinthe où l’espace et le temps sont si différents ? Découvriront-ils d’autres univers au-delà de cette titanesque architecture qui soliloque en pleine lumière : Soliloquium in Splendor ?