Sorti en octobre 2021, je ne sais vraiment pas comment j’ai pu manquer la sortie de ce roman à la terrible punchline qui promet un roman sans concession. Et c’est bien ce que nous propose Etienne Cunge, expert environnement et développement durable après avoir suivi un cursus de biologie… Autant vous dire que l’auteur sait de quoi il parle et que cela n’est finalement pas vraiment pour nous rassurer tant ce que l’on nous annonce est terrible.

N’oubliez pas notre baseline : soyez écoresponsable, suicidez-vous.

Si vous aviez un peu d’espoir sur la capacité humaine à se reprendre, ce livre va vous remettre la tête à l’endroit ; si vous n’avez déjà pas le moral, ne comptez pas sur Symphonie atomique pour vous redonner la pêche

Les 5 plaies de la Terre

Le monde que nous avons connu n’existe plus, la succession des différentes catastrophes naturelles, qui ont fini par s’appeler les plaies – le rapprochement avec les 7 plaies d’Egypte ne saurait vous échapper – a transformé la planète dans tous les domaines.

Tout a commencé par le réchauffement climatique, que nul ne peut décemment ignorer désormais tant il est vrai, cet été encore que les conséquences se font de plus en plus sentir… Notre été où les vagues de chaleurs s’enchaînent ne peut que confirmer un constat alarmant qui n’est toujours pas pris avec le sérieux qu’il faudrait.

– Les autres plaies sont le changement climatique, la disparition de la biodiversité, les incendies géants et l’arrêt du cycle de décomposition de la matière organique

– Félicitations, je vois que vous avez tous bien révisé.

S’ensuit en toute logique la désagrégation des écosystèmes (on ne va pas rappeler aussi le nombre d’espèces qui ont disparu, notamment chez les insectes), la montée des eaux qui entraînera naturellement des vagues migratoires importantes et les incendies géants pour lesquels, là encore, il semble que nous ayons pris un peu d’avance sur la narration d’Etienne.

La cinquième plaie, que je n’avais pas à l’esprit est particulièrement intéressante et bien expliquée par l’auteur : les disparitions d’insecte, la chaleur, et autre ont pour conséquence une rupture du cycle de la matière organique.

Bon, le constat n’est pas glorieux, mais je préfère préciser tout de suite qu’à aucun moment, Etienne Cunge emploie un ton moralisateur dans le récit : nous apprenons cette situation au gré des échanges entre les personnages, et au gré de l’avancement de l’intrigue.

Des conséquences politiques importantes

Nous sommes 50 ans après les premières catastrophes, qui ont débutées finalement dans notre présent, et un des premiers point d’importance est qu’il y a une espèce de reset du temps : nous repartons à l’année 0 aux alentours des années 2020 pour marquer une prise de conscience… qui ne se conclut finalement pas par une réelle volonté d’avancer !

Deux ans plus tôt, sa maman aurait dû participer au Jour du Don, le nom attribué à la cérémonie de suicide assisté, autrefois volontaire, désormais imposé, aux anciens à leur soixante ans. Selon le gouvernement, c’est indispensable pour réduire leur impact environnemental, comme les coûts sociaux, à un niveau acceptable

Le désarmement militaire nucléaire en surface a eu lieu, et il ne reste “plus que” 4 stations spatiales nucléarisées appartenant au 4 grandes puissances terrestres : les Etats-Unis qui restent sur une position de liberté de consommation sans restriction, la fédération de Russie qui contrôle sa population, la Chine où les plus âgés sont incités à se suicider et enfin l’Europe petit poucet à nouveau, qui a vraiment pris le partie de se transformer pour répondre aux nouveaux enjeux.

Les alliances sont, comme vous l’imaginer, assez proches de celles que nous connaissons aujourd’hui, ce qui n’est pas étonnant au vu des histoires de chacune de ces contrées, et l’équilibre reste assez instable.

Certains, dont Irvin Callway, ont cherché des solutions depuis longtemps, pour se sauver quitte à laisser le reste du monde sur le carreau, ce qui poussera à la création de la société Surviving Tommorow…

Le monde entre déséquilibre

Quand nous rejoignons le futur proposé par l’auteur, nous plongeons directement en compagnie de Juan, vice-commandant de la station européenne au moment où il doit déclencher une attaque nucléaire. Une grande partie du récit suivant nous expliquera comment nous sommes arrivés à cette situation décisive.

Le croisement des 4 stations dans l’espace, événement rare, sera l’instant où tout basculera : une attaque contre les stations engendre une montée des tensions. Qui est à l’origine de cette attaque ? Qui oserait prendre le risque d’entraîner une bonne fois pour toute la fin du monde ? La question est celle qui sera la trame de fond de Symphonie atomique, une histoire qui se déroulera dans l’espace mais aussi sur terre, au travers de quelques personnages clés qui seront les pions d’une histoire et d’un avenir incertain.

C’est tout d’abord Juan, dont nous avons parlé. Le jeune homme, père d’une petite fille en situation de handicap, se préparait à rentrer sur terre pour retrouver les siens. Le déclenchement des attaques contre les stations orbitales va bien entendu remettre en cause ce retour.

C’est ensuite Agathe, une cinquantenaire qui après des années de la banditisme informatique a rejoint le renseignement et qui s’intéressera à d’étranges mouvements.

C’est enfin Ashkat, un homme devenu maître de guerre pour amener son peuple à pouvoir vivre de façon décente, et qui est au cœur des événements qui se déroulent.

J’ai été totalement happé par la justesse de ton, et le côté implacable de l’histoire. Des hommes et des femmes, pour certains / certaines de vrai·e·s héros / héroïnes, victimes collatérales de politiques aux services de leurs propres intérêts, la priorité donnée à l’état sur toute autre considération, le cynisme des grands groupes et le pouvoir de l’argent.

On aurait aimé un happy end, mais il n’aurait pas été crédible, tout juste acceptons-nous cette tiédeur qui nous laisse comme un sentiment amer : peut-on vraiment sauver l’humanité ? J’ose encore l’espérer, sinon la punchline de radio Collapse, présente sur chaque début de chapitre pour nous décliner à l’échelle de l’individu les conséquences des dérèglements climatiques, ne reste que la solution.

Vous l’aurez compris, le récit d’Etienne Cunge est percutant, sans concession par rapport à notre monde et la trajectoire qu’il prend, tout en étant d’une justesse effrayante. Ce livre est définitivement à mettre entre toutes les mains, et merci à son auteur de nous remettre les pieds sur terre…

Editions Critic (Octobre 2021) – 430 pages – 23 € – 9782375792162
Couverture : Aurélien Police

Le monde d’après s’effondre.
Malgré l’odeur de fin des temps, des restes de civilisations subsistent, au bord du chaos, et chacun lutte pour donner du sens à sa vie. Les quatre modèles des puissances atomiques, aux abois, dominent cette désolation et se confrontent, prêts à en découdre : ultra-capitalisme américain, écologisme européen, nationalisme russe et totalitarisme social chinois. Dans ce climat délétère, l’équilibre ne tient plus qu’à un fil, sur le point de rompre.
Parmi le concert des forces nucléaires spatiales, l’Europe en Transition fait figure de naine. Pour autant, alors qu’émerge une crise dans la crise, le sort de l’humanité va peut-être dépendre des décisions de deux de ses membres, que rien ne prédisposait à cela : Juan et Agathe.
Dans cette nouvelle ère, à l’Europe reconfigurée et où l’espace constitue le terrain névralgique des conflits, leurs actes vont faire écho à l’étrange soulèvement en cours dans les steppes d’Asie centrale – sous le commandement du jeune Ashkat –, et les confronter à l’énigme qu’incarne Ulan Moltov, l’âme de la rébellion, le cœur du jeu de poker à grande échelle qui débute.