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Té mawon de Michael Roch

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Les éditions de La Volte nous propose avec Té Mawon une expérience de lecture étonnante, avec ce qui est annoncé comme étant le vaisseau pilote d’une “science-fiction carbibéenne francophone, inventive et décoloniale”. Et il est vrai que ce récit est étonnant et exigeant pour le lecteur / la lectrice qui se lance dans l’expérience.

Lanvil

Nous voici donc plongé dans une mégalopole, Lanvil, qui relie les plus grandes îles des Caraïbes, de Cuba au Venezuela, aidé par une technologie de pointe et une Intelligence Artificielle qui font qu’elle semble être la destination rêvée pour échapper aux conflits qui secouent par ailleurs la planète.

Comme un effet boomerang, ce sont les européens – entre autres – qui cherchent à migrer vers cette île où tout semble devenir possible, au risque pourtant, et comme bien souvent au probable détriment des populations locales…

D’ailleurs, nous voyons rapidement que deux Lanvil existent, l’Anwo Lanvil qui correspond d’une certaines façon à la partie visible de l’iceberg : l’utopie rêvée où la technologie et l’homme vivent en harmonie pour permettre le développement et l’essor de la société. Pour faire simple, on reste dans la zone où tout va bien par opposition à l’Anba Lanvil où les marginaux se retrouvent, mis à l’écart des bénéfices de cette société en plein boom.

Et malgré une vision de façade qui fait de Lanvil la destination idéale pour vivre, la colère gronde. La colère gronde à tel point que c’est tout Lanvil qui s’inquiète de la violence qui pourrait en surgir.

Et c’est dans cette temporalité que nous allons suivre différent·e·s protagonistes (roman choral) à un moment où l’histoire peut basculer. Nous suivons dans l’Anba Lanvil Pat et sa bande qui magouillent pour survivre, Patson (fils de Pat) et Joe qui se lient pour retrouver l’amie disparue de Joe et se retrouveront mêlés aux affaires louches de Pat…

Dans l’Anwo, ce seront notamment les traductrices Ezie et Lonia, soeurs, dans leur vie dans les plus hautes sphères de la société de Lanvil

Quels sont les relations entre toutes ces histoires ? Une volonté relativement partagée de retrouver les racines, Le Tout-Monde qui permettra de reprendre la main sur son histoire et donc sur son avenir… En tout cas, c’est l’impression qui m’est resté à la sortie de ce récit riche et puissant.

Lorsque les Européens sont venus chercher nos ancêtres aux portes de l’Afrique, ils ont vu en eux des diables, des bêtes. Nos ancêtres, eux, ont vu les fantômes de nos gangan. Chacun était aveuglé par sa propre culture et, derrière son propre écran, par ce qu’il percevait de l’autre.

Le langage

Parce que si le récit est riche et puissant, sa lecture nécessite une vraie volonté du lecteur de se plonger dans ce mélange de langue : le Créole (Créyol), ou plutôt les créoles, l’argot, le langage commun, tout ce mélange dans le récit. La langue est au cœur du récit, rapprochant dans le même temps les personnages qu’ils peuvent les éloigner, nous rendant un peu étrangers sur certains passages à l’histoire, nous excluant un peu si nous ne mettons pas en position de nous adapter.

si tu veux sauver le monde, tu fais en sorte qu’aucune langue n’en domine une autre. Parce que quand une langue domine l’autre l’autre finit par lui appartenir et disparaître. Du coup on existe que si on parle, tu vois ?

Mais paradoxalement, cette multiplicité de langue n’est pas un critère d’exclusion mais donne le sentiment d’appartenir à une communauté multi-culturelle. A noter aussi que cette notion de langue et de traductions, mises en avant notamment par les traductrices Ezie et Lonia, vont plus loin dans les dimensions communication… Je vous laisse le plaisir de découvrir dans quelle mesure :).

Pour autant, on ressort de cette lecture avec l’impression d’avoir vécu une expérience riche, humaine …et linguistique !

Bref, un roman clairement atypique et terriblement intéressant. Pour un auteur à découvrir.

La Volte (10 mars 2022) – 224 pages – 18 € – 9782370491893
Couverture : Laure Afchain

Lanvil, mégapole caribéenne, vitrine rutilante des diversités culturelles, havre pour tous les migrants du monde, est au centre de tous les regards.

À la pointe de la technologie, constellée d’écrans, la ville s’élève de plus en plus haut mais elle oublie les trames qui se tissent en son sein. Pat et sa bande de débouya vivent de magouilles et de braquages. Joe et Patson courent de galère en galère, poursuivis par les flics. Ézie et sa sœur Lonia, traductrices, infiltrent les hautes sphères des corpolitiques. Toutes et tous rêvent en secret de retrouver la terre de leurs ancêtres, le Tout-monde, enseveli quelque part sous le béton. Pour y parvenir, un seul chemin : faire tomber les murs entre l’anba et l’anwo, et renverser l’ordre établi.


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