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Un an dans la Ville-Rue de Paul Di Filippo

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Cette nouvelle entrée au catalogue Une Heure Lumière du Bélial laisse un sentiment étrange tant il est difficile de la situer. Nous voici donc en compagnie de Diego Patchen qui nous servira de guide pour découvrir cette fameuse Ville-Rue.

Comment décrire la Ville-Rue ?

Ce n’est pas très simple et nous devons reconnaître que le travail de Pierre-Paul Durastanti dans la traduction rend une ambiance sombre et vivante. Un des éléments qui interpelle tout au long du récit est de comprendre comment est construite cette ville, où elle se situe et s’il s’agit d’un futur, d’un présent ou d’un monde inconnu que l’auteur nous permet de découvrir.

Nous allons donc tâtonner et réussir à imaginer cette ville tout en longueur, donnant le sentiment d’être un long ruban de route, et, de ma perception, jalonnée d’un côté par le fleuve, et sous un métro. La description laisse penser que tout se passe en sous-sol et qu’une population existe au-dessus, même s’il est difficile d’en être certain. Peu d’information circulent sur le niveau technologique de la communauté, même si nous repérons quelques éléments comme le chauffage (étonnant qu’il fasse aussi froid si la ville est en sous-sol non ?) mais aussi comme le métro qui semble toujours circuler. Par contre, d’autres équipements qui nous semblent plus basiques semblent inexistants comme le téléphone.

Voilà ce que tu refuses de prendre en compte : toi et les autres adeptes de la Cosmos-Fiction restez coincés dans une ornière juvénile.

Autre élément qui détonne, l’existence de psychopompes… Là encore, difficile de se forger une conviction sur ce qui peut bien être le quotidien des habitants : leur rapport à la mort est étonnant avec la présence de “Psychopompes” pour lesquels, une nouvelle fois, peu de choses transpirent, à l’exception de l’existence de deux types de ces créatures, suivant la vie du mort.

Une novella sur la création ?

Dans la Ville-Rue nous donne le sentiment de partager 1 an de la vie d’un résident plus que de vouloir raconter une histoire. Si Diego Patchen a la particularité d’être écrivain, les événements auxquels ils assistent ne sont finalement pas si originaux que cela. En couple avec une femme sapeur-pompier, il a son petit réseau d’amis avec lequel il traine facilement et son métier d’écrivain qui lui permet de vivre. A tel point que les deux informations partagées sur le quatrième de couverture, à savoir la parution de son premier recueil et la croisière sont des événements plutôt tardifs de la novella.

Pour autant, l’étrangeté du texte et de son action ne lui enlève nullement un intérêt certain. Déjà parce qu’il y est question de maladie, de cancer, au travers du père de Diego et donc du rapport à la mort. Cette crainte de la mort que nous voyons finalement peu différentes de notre quotidien.

Le deuxième point d’ancrage est ce rapport à l’amour, la capacité d’abstraction, marqué notamment par la relation entre Zohar, ami de Diego, et Milagra. Un amour qui doit faire face à la dépendance de Milagra…

Le troisième élément est la réflexion sur l’écriture : Diego Patchen est écrivain, mais pas n’importe quel écrivain, un écrivain de Cosmos-Fiction, un genre que nous pourrions rattacher certainement à notre Science-Fiction. Il est intéressant de voir que, là encore, nous retrouvons des éléments de notre univers, de notre monde : la CF est vue comme une littérature juvénile mais que, paradoxalement, les éditeurs de “grande littérature” ne rechigne pas à publier pour des raisons bassement vénales. J’ai eu le sentiment aussi d’un petit agacement de notre auteur par rapport à ce sujet, mais peut-être n’est-ce que le reflet de mon propre agacement face au mépris que certains peuvent avoir pour nos littératures.

En tant qu’auteur de Cosmos-Fiction, je mesure la folie de notre monde, je sais combien de mystères non examinés le sous-tendent, et j’invente dix univers plus étranges avant le petit déjeuner !

Un texte donc vraiment atypique, laissant un sentiment bizarre une fois la dernière page tournée. Et une œuvre résolument originale.

Le Bélial (Juin 2022) – Une Heure Lumière – 120 pages – 9,90€ – 9782381630434
Traduction : Pierre-Paul Durastanti (Etats-Unis)
Titre Original : A Year in the Linear City (2002)
Couverture : Aurélien Police

Une ville-monde.
Un immense ruban urbain apparemment sans fin bordé par les Voies – un chemin de fer – et le Fleuve. En son sous-sol, un métro. Et sous le métro… Bienvenue dans la Ville-Rue. Diego Patchen réside dans le quartier de Vilgravier, du côté du 10.394.850e Bloc. Amoureux d’une plantureuse pompière, affligé d’un père malade acariâtre, Diego vit d’expédients. Son activité favorite demeure toutefois l’écriture de récits spéculatifs, ce genre littéraire appelé « Cosmos-Fiction ». Un registre volontiers décrié, mais qui bénéficie d’un socle de lecteurs fidèles, et dans lequel les écrivains se plaisent à imaginer d’autres mondes, d’autres univers, aux configurations différentes… Et alors que Diego célèbre la sortie de son premier recueil, le voici bientôt invité à une croisière sur le Fleuve…


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