Cité d’ivoire est le deuxième roman de Jean Krug aux éditions Critic et on peut dire que l’auteur nous souffle le froid (Le chant des glaces) et le chaud ! Après nous avoir fait découvrir un monde glaciaire très loin de chez nous, nous voici de retour sur Terre, dans un futur indéterminé et un lieu qui ne l’est pas moins, après que le réchauffement climatique est un peu changé la donne.

Une histoire à 3 personnages

Dans ce récit qui nous plonge donc dans un monde qui a du faire face à des changements climatiques majeurs, la population vit désormais dans des cités couvertes, au nombre desquelles figure Iliane. La vie n’est pas simple pour les habitants qui sont répartis dans différentes zones, les plus basses étant pour les plus pauvres, les plus hautes étant pour l’élite, politicienne et policière. Si nous ne savons que peu de choses – dans les premiers temps du moins – sur ce qui a conduit à la situation présente, force est de constater que la cité est au bord de l’explosion.

Cité pilotée par une Intelligence Artificielle, nous apprenons rapidement que la situation “technologique” se dégrade à vitesse grand V, ce qui ne facilite pas le travail de sécurisation…

C’est donc dans un contexte très tendu que nous découvrons trois personnages qui représentent – de mon point de vue – les trois états d’esprit dans un monde qui peut basculer d’un instant à l’autre dans une dimension révolutionnaire.

Après une courte scène de violence urbaine qui nous plonge bien dans l’ambiance, l’auteur nous présente Sam Deson, un jeune homme qui a trouvé sa place dans la société telle qu’elle existe. Travaillant dans une société de livraison, il mène une vie plutôt tranquille, profitant de ce que lui offre la société et restant loin des activités de son frère Dan. Ce dernier, en colère contre une société à deux vitesses voudrait entraîner Sam dans la lutte armée, et notamment le faire participer à une réunion de l’Ivraisse, catalyseur de toutes les revendications.

… ce qui permettait au système de perdurer, ce qui assurait que les riches ne cèdent pas sous l’empathie, c’était qu’on leur apprenait à ignorer les autres. Ils connaissaient parfaitement l’existence de ces inégalités, mais ils avaient choisi de ne pas s’en soucier.

Deuxième personnage clef de la narration Le Kid est l’archétype même de l’homme en colère. Refusant ce que lui propose la société, il est parti s’installer dans un squat, rejetant jusqu’à son nom pour défendre un futur où chacun aurait sa place. Actuellement en détention, il devra faire un choix cornélien entre voir son squat anéanti par les forces de l’ordre ou le fait de devoir aider ces dernières à mater la rebellion.

Dernière personnage de ce trio qui nous accompagnera, Maëlle Swan est une policière d’élite, abandonnée par ses parents à l’Etat pour en faire une traqueuse. Ces états de service, bien qu’impeccable, ne semble pas suffisant pour lui permettre d’atteindre son objectif : devenir traqueuse. La situation se complique d’ailleurs pour elle alors même qu’elle est partie en intervention…

Vous l’aurez compris, les personnages représentes d’une certaine façon les trois attitudes que nous pouvons avoir face à la société : être un défenseur de celle-ci comme l’est Maëlle, être en opposition comme l’est Le Kid ou encore faire ce qu’on peut comme le fait Sam.

Une intrigue à plusieurs niveaux

Bien sûr, ces lignes qui sont assez simples à percevoir au début ne sont là que pour nous permettre de bien comprendre où nous mettons les pieds. Le quotidien de nos différents personnages va être dramatiquement bougé par les événements. Celui que nous voyons changer rapidement est bien entendu le Kid puisque, dès la présentation, nous comprenons qu’il va devoir s’assoir sur un certain nombre de ses principes pour récupérer sa liberté. Malheureusement pour lui, son choix aura des conséquences plus que fâcheuses et entraînera notamment Sam dans son sillage.

Les personnages vont tout au long de ce récit subir de façon volontaire ou non, les affres d’une société qui cherche par tous les moyens à contenir sa population – au sens propre comme au figuré – et qui est définitivement à une période charnière. Si la trame est relativement classique, le développement des différents personnages dans l’aventure apporte un vrai plus à cette histoire de combat.

On peut faire des milliers d’erreurs, mais on est sûr de ne pas se tromper si on se met du côté des exploités.

Chacun sur son domaine va devoir faire évoluer son point de vue et contribuer – à son niveau – à une prise de conscience de la population. Accepter ou rejeter le système n’est pas l’alpha et l’omega du combat : comprendre les enjeux et voir pour changer la façon de penser est primordial. Ces nouvelles façons de voir le monde et de construire la société arrivent relativement tardivement dans le récit.

Le style d’écriture est plaisant et la succession des personnages dans des parties plus ou moins longues permettent un dynamisme, et les 400 pages du roman passeront plutôt vite.

A noter tout de même qu’il est bien dommage que le quatrième de couverture en dévoile autant sur l’intrigue, notamment sur le frère de Sam ou encore sur la situation de Maëlle… Cela non seulement divulgâche des éléments intéressants mais peut aussi avoir l’effet de manquer la première partie du récit.

Editions Critic (Mars 2023) – 436 pages – 23 € – 9782375792681
Couverture : Sébastien Annoni

Cinq cents ans de réchauffement climatique ont déferlé sur la Terre. Pour survivre, l’humanité s’est retranchée dans des cités couvertes, co-administrées par des intelligences artificielles.
À Iliane, ville-dôme, dernier bastion d’une société de contrôle, la police peine à contenir la colère de ses citoyens. Les milieux contestataires s’étendent, et en leur sein, on évoque l’existence d’un endroit perdu dans le Dehors. Un dernier havre de liberté : la Cité d’Ivoire.
C’est vers cette lueur que vont se tourner Sam Deson, un citoyen rangé accablé par le meurtre de son frère, Maëlle Swan, une policière d’élite traquée à mort par un mystérieux commanditaire, mais aussi le Kid, un jeune anarchiste tête brûlée.
Y trouveront-ils leurs réponses ? Un lieu pour vivre ?
D’ailleurs, la Cité d’Ivoire existe-t-elle seulement ?