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Le temps d’un souffle, je m’attarde de Roger Zelazny

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Roger Zelazny entre dans la collection Dyschroniques de Le Passager Clandestin et nous propose un questionnement sur l’humanité dans un monde post-apo. La nouvelle Le Temps d’un Souffle, je m’attarde voie sa deuxième parution en France et permet de remettre en avant ce texte qui se révèle toujours intéressant à notre époque, postfacé comme il est coutume dans chacune des parutions de la collection pour nous permettre de comprendre le contexte d’époque dans laquelle elle a vu le jour.

Une terre débarrassée de l’humanité

Nous ne savons pas en quelle année nous avons été projetée, mais nous dirons que nous sommes suffisamment dans le futur pour que l’humanité est totalement disparu de la Terre… Les seules entités “vivantes” sont les machines et notamment deux super-intelligences qui ont pour objectif de reconstruire la Terre… Vaste programme. Les deux intelligences sont en opposition : Solcom dans le ciel était le vecteur principal pour les hommes de la reconstruction et Divcom – au sol – était la solution de secours en cas de défaillance de la première. Comme vous le découvrirez, un imprévu a complexifié la situation et les deux temps de se prévaloir d’être l’outil principal de la reconstruction.

Au milieu de ce duel, Gel est une intelligence artificielle de terrain, émissaire de Solcom et une des chevilles ouvrières de cette reconstruction. Si la machine ne rechigne pas à l’ouvrage, elle voue aussi un étrange fascination à ce qui caractérise l’Humanité. Cette fascination la pousse à s’intéresser à tout ce qui peut définir l’Humanité, poussée dans sa passion par Divcom qui y voit un moyen de déstabiliser Solcom.

Je t’ai déjà dit que l’Homme possédait une nature fondamentalement incompréhensible. Ses perceptions étaient organiques ; les tiennes, non. Ses perceptions lui procuraient des sentiments et des émotions […]. L’Homme ne sentait pas les miles ou les mètres, les kilos ou les litres. Il sentait le chaud, Il sentait le froid. Il sentait la pesanteur et la légèreté. Il connaissait la haine et l’amour, la fierté et le désespoir. Toutes ces choses ne sont pas mesurables. Donc toi, tu ne peux pas les connaître. […] Il n’existe pas de formule pour mesurer un sentiment

Devenir Humaine

Accompagné de Mordel, Gel va sillonner le monde, quitte à enfreindre certaines règles pour en apprendre le plus possible. Cela passe par l’apprentissage de l’écriture et de lecture, une lecture intégrale dans la mesure du possible, la visionnage de tous les médias. Ses découvertes vont la pousser à essayer de devenir elle-même une humaine, lorsqu’elle se rendra compte qu’il est impossible d’être l’égal de l’homme sans être un homme. Ressentir, éprouver des sentiments n’est pas possible sur la seule base d’algorythme, la dimension biologique est indispensable.

Cette découverte, loin de rebuter notre machine, va la pousser à tenter d’aller toujours plus loin jusqu’à reproduire l’expérience de Frankenstein.

Le récit nous laisse une étrange sensation, nous qui avons désormais les Intelligences Artificielles : est-il possible d’avoir une conscience artificielle ? Ou est-ce la limite de ce que la machine est en mesure de faire ?

Dans cette nouvelle, Roger Zelazny semble avoir tranché la question…

Le Passager Clandestin (mai 2022) – Dyschroniques – 110 pages – 8 € – 9782369355410
Traducteur : Jean Bailhache
Titre Original : For a breath I Tarry (1966)
Couverture : Yanni Panajotopoulos

Comment ne pas être touché par l’histoire de Gel, cette machine toute-puissante qui veut devenir humaine ? Gel est une intelligence artificielle qui œuvre à la reconstruction d’une Terre sur laquelle ne subsiste plus aucun être humain vivant. Mais Gel a un hobby : il étudie les vestiges de l’humanité disparue, découvre les livres, le cinéma, l’art, si bien qu’il se met à désirer devenir lui-même humain, et ce à n’importe quel prix… Au fil de la quête de Gel, ce Faust de métal tenté par l’impossible, Roger Zelazny explore à sa manière ce qui fait le propre de l’humain et proclame par avance la défaite des prétentions à la numérisation du cerveau humain et autres lubies des Folamour de la Silicon Valley.


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