Cela faisait quelques temps que je n’avais pas lu une des nouvelles de la collection Dyschroniques des éditions du Passager Clandestin. Pour ce mois de février, deux nouvelles sont mises en avant avec Options de John Varley et Nous mourons nus de James Blish.

Et si le changement de sexe était simple ?

En 1979, John Varley imagine que le changement de sexe est devenu une opération simple et sans risque. Si cette possibilité n’a pas forcément eu le succès auquel les scientifiques s’attendaient, il faut admettre que cela a rendu totalement “normal” ce changement et que la jeunesse n’a que peu de remarques à faire envers ceux et celles qui l’ont fait. Pour faire simple, personne n’est surpris par le fait que le camarade soit le lendemain la camarade et vice-versa.

Jules, je te demanderais avant de changer le mobilier. On est tous les deux propriétaires de cet appartement. Je te demanderais avant de mettre Lilli ou Paul dans une autre école. On partage la responsabilité de leur éducation. Mais je ne te demande rien quand je me mets du rouge à lèvres ou quand je me coupe les cheveux. Après tout, c’est mon corps.

Cléo, mariée à Jules, est déjà mère de trois enfants : Paul, l’aîné, Lilli et Plume, un bébé qu’elle allaite encore. C’est d’ailleurs une contrainte forte pour elle, qu’elle accepte néanmoins, puisqu’elle est obligée d’emmener Plume au travail pour pouvoir le nourrir convenablement. Même si le changement de sexe est banal, aucun·e des deux parents n’y a eu recours et cela ne semble pas être demain la veille que cela changera… Pourtant, Cléo commence à se poser la question, notamment parce qu’elle souhaiterait malgré tout être un peu plus libre après trois grossesses qu’elle a totalement gérée.

La vision de Jules est différente et il n’imagine pas une seule seconde le faire, ni que sa femme le fasse.

Une réflexion sur une société patriarcale.

Cette nouvelle parue la première fois il y a plus de 40 ans montre que la question du sexe et du genre n’est pas nouvelle. Dans la centaine de pages, nous voyons tout le poids d’une société où la femme continue à gérer le quotidien, la première scène plantant définitivement le décor, alors même que dans ce futur, l’humanité, au contact de formes de vie extra-terrestre et de leur technologie aurait pu faire évoluer la société.

La jeune femme est donc avec ses doutes et ses questionnements quant à son corps : voulant découvrir ce qu’est être un homme, elle souhaite malgré tout avoir une forme “d’autorisation” de son mari, même si celle semble dire le contraire. La décision de le faire ou non va la troubler pendant de longues semaines (mois) avant de sauter le pas, mais de façon progressive.

Un ego de mâle est quelque chose qui doit soigneusement s’entretenir, quand on est encore jeune. Les gens doivent sans cesse te rappeler ce que tu dois faire pour être un homme, de sorte que tu sois capable de reconnaître l’échec quand tu es incapable de “tirer ton coup”.

Cela entraînera des problèmes de couple, Jules ne voulant pas faire le trajet inverse. Pire, il questionnera et tentera de culpabiliser Cléo sur l’impact que cela aura sur le masculinité de leur fils Paul…Voilà, le terme est lâché : comme la plupart des débats qui coure aujourd’hui sur le sexe et le genre, la question de la masculinité et de la féminité est posée. Avec beaucoup de justesse, John Varley pose les questions et tentent d’apporter des réponses au travers de ses différents personnages… Autant sur la transformation du corps en lui-même (bien que l’approche ne soit pas chirurgicale) que sur la transformation de l’esprit qu’elle entraîne.

Plus que tout, un postface de 2004 par l’auteur lui-même permet de donner un nouvel éclairage à son texte et une réflexion sur l’évolution des mentalités. Il est notamment intéressant de voir qu’il a un regard très exacerbé sur le monde et aussi sur la recontextualisation des événements, parlant de lui-même en indiquant que “[Mon] racisme relevait alors de la catégorie “Inconscient et tolérant”.”.

Les compléments apportés dans la synchronique du texte permettent d’apporter un autre angle et – là encore – de contextualiser le récit.

Le Passager Clandestin (07 avril 2023) – Dyschroniques Science-Fiction – 115 pages – 8 € – 9782369351658
Traduction : Jean-Bonnefoy (Etats-Unis)
Titre Original : Options (1979)