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L’Humanité-Femme de Joanna Russ

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Préface de Stéphanie Nicot

Le roman que nous propose les éditions Mnemos en ce mois de septembre n’est pas à proprement parler une nouveauté… Il a été publié en version originale en 1975, puis dans la collection Ailleurs et Demain des éditions Robert Laffont sous le titre L’autre moitié de l’homme, un titre qui a été revu pour mieux coller au propos du récit… Mais de quoi s’agit-il.

Une forme surprenante…

Ce qui pourra déranger le lecteur / la lectrice dès les premières pages est la structure même du roman. L’autrice nous plonge dans différentes histoires à différentes époques mais sans pour autant nous faciliter la vie en nous indiquant où nous nous souhaitons. Car, comme nous le confirme le quatrième de couverture, nous allons naviguer dans différentes époques et rencontrer différentes femmes, qui vont nous parler de la société américaine des années (19)70 tout en nous projetant aussi dans des futurs ou d’autres mondes bien différents de celui que nous connaissons.

Si vous voulez que j’observe vos tabous à vous, vous devriez me les préciser mieux.

De ce fait, la lecture pourra être compliquée et j’avoue avoir été perdu à plusieurs moments ne sachant me rattacher ni au personnage mis en avant ni au temps dans lequel nous étions. Mais cela n’est finalement pas si grave, car ces différentes histoires qui nous sont proposées vont nous permettre de nous concentrer vraiment sur le fond.

Pour autant, il est intéressant de lire l’excellente préface de Stéphanie Nicot qui éclairera par rapport au titre en lui-même qui pose beaucoup de questions, et la raison pour laquelle la nouvelle traduction, revue par Nathalie Mège, éclaire un peu plus le texte.

… pour un texte féministe !

La racine de l’histoire et une de ses dimensions science-fictionnesque vient de Lointain, ce temps futur au notre ou à un autre univers (peu nous chaud en fait), dans lequel un étrange virus à décimer la population masculine. Les femmes ont donc construit le monde différemment, les naissances étant associées nécessairement à de la procréation assistée. L’une des femmes du passé se retrouve dans le temps présent (en l’occurence les années 70) et permet de confronter une vision futuriste à la place de la femme dans la société américaine.

C’est normal : tu es une fille. Trouve-toi quelqu’un comme Bud, qui a un bon métier, un homme qui mérite ton respect, et épouse-le. Il n’y a pas d’autre voie possible pour une femme.

Autant dire que cette place n’est plus agréable puisque les femmes que nous croisons et certaines de celles qui partagent leurs vies le font qu’au travers du regard de l’homme, qu’il soit le père ou le conjoint. Avec une trajectoire toute tracée de mariage au service de son mari, la femme devra donc se taire par rapport à ses propres envies et ses propres souhaits, la société lui imposant cette destinée.

Joanna ne prend pas de gants, confrontant les différents personnages féminins à des destinées différentes. L’autrice aborde de façon très directe, sans prendre de gants, les situations questionnant sur la place de la femme bien sûr mais aussi sur cette volonté de s’opposer.

Quand on hurle, on vous trouve mélodramatique ; quand on se soumet, masochiste ; quand on lance des injures, une salope. Si on le frappe, il veut nous tuer. La meilleure réaction est de souffrir en silence tout en espérant qu’un sauveur se manifeste, mais si aucun n’arrive ?

De nombreuses thématiques sont aussi abordées puisque l’absence d’hommes dans lointain amène nécessairement à la discussion sur l’homosexualité ou encore sur la procréation médicalement assistée, cela renvoie aussi à notre lecture de la société et à nos principes, au poids que nous faisons porter à nos filles, nos conjointes et aux femmes en général et aux clichés qui jalonnent notre vision des femmes.

Le livre date des années 70, alors vous pourriez penser qu’il est dépassé… Malheureusement, non…

Editions Mnemos (Septembre 2023) – Stellaire – 270 pages – 20,50 € – 9785382670828
Traduction : Henry-Luc Planchat, révisée par Nathalie Mège (Etats-Unis)
Titre Original : The Female Man (1975)
Couverture : A.O.R.

Sur Lointemps, les hommes ont disparu il y a un millier d’années, victimes d’une pandémie. Les femmes, elles, ont survécu. Elles ont pleuré les morts, puis les ont oubliés. Elles ont su s’adapter, trouvant le moyen de procréer seules et de donner uniquement naissance à des filles. Ainsi, les femmes ont érigé une société différente. Sans hommes. Lointemps est un monde où les femmes sont l’humanité tout entière.

Pourtant, dans le multivers, d’autres variantes se sont imposées, avec leurs personnages qui s’entrecroisent : outre Janet, venue du Lointemps futuriste, il y a Joanna, issue du New York sexiste des années soixante-dix, Jeannine, vivant dans un univers où la Seconde Guerre mondiale n’a pas eu lieu, et Jael, combattante de la Gynée en guerre contre le Virland masculiniste. Tout commence en 1975, lorsque Janet apparaît brusquement sur Broadway…


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