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L’obscur de Philippe Testa

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La question du capitalisme poussé à l’extrême est un sujet récurrent de la Science-Fiction et le poids des multinationales, le changement des modes de travail et autre contrôle de la performance des salariés, couplés à une précarité forte sont au cœur de nombreuses œuvres. L’Obscur de Philippe Tesla nous présente sa vision de ce futur peu enviable.

Un narrateur intégré et neuro-atypique

Le narrateur de l’histoire est un mathématicien (je vais croire le quatrième de couverture, car je ne me souviens pas voir vu cette information) dont le quotidien est régi par son métier. Travaillant avec d’autres co-workers, il nous informe rapidement de sa difficulté à se projeter dans sa relation à l’autre même s’il a une forme de sympathie par Rolo. Dire que cette distanciation sociale qui lui permet de vivre dans ce futur totalement déshumanisé n’est à mon avis pas très loin de la vérité.

D’ailleurs, nous sentons aussi que ses relations avec sa famille, que nous allons découvrir plus tard dans le récit, ne sont pas au top non plus : coincé entre des parents qui n’ont pas réussi à s’habituer à sa particularité, une soeur qui ne veut pas en entendre parler et un frère qui a tout réussi, notre homme semble être le vilain petit canard.

Cette société est, dans le prolongement de ce que nous connaissons actuellement, une société de l’apparence avec une propension sévère à la vanité. Toutes les actions se tournent vers le fait d’être reconnu socialement pour se donner l’apparence d’exister en temps qu’être humain… Une philosophie ou état d’esprit qui semble très loin des préoccupations de notre homme.

Tout est bon pour forcer la reconnaissance d’autrui, ce qui est pour ces individus une pulsion centrale. Leur vanité a été stimulée jusqu’à la caricature, elle les a rongés et dévorés, avec comme résultat qu’ils ne font que repousser le moment où seuls les médocs pourront leur éviter un effondrement psychique.

Toujours est-il que cette distance va nous permettre d’en apprendre plus sur ce futur dystopique où chaque citoyen·ne n’est qu’une force de production dont le présent – et par conséquent le futur, ne dépend que de sa capacité à rentrer dans le moule. Pire que tout, à n’importe quel moment, les travailleurs et travailleuses peuvent être requalifiés, avec pour conséquence de tout perdre, du logement à la capacité de se nourrir.

Un monde en crise

Bien entendu, cette situation engendre un certain nombre de crises au travers de la planète, que ce soit des marches pour la faim ou, comme cela sera le cas à Lausanne où se situe l’action, des émeutes liées aux coupures d’énergie.

Car la crise écologique est là, et la consommation d’énergie devient largement problématique dans un monde où elle demeure essentielle. Au fur et à mesure du récit, nous comprenons que le travail de notre narrateur consiste à contrôler cette énergie. Mais rien ne va plus et nous allons assister au travers de son regard à la chute de ce monde ultra-connecté.

Le ressentiment se trouve par ailleurs décuplé par l’attitude de Leaders guidés au mieux par leur cupidité et leur amour du pouvoir, plus intéressés par leur image publique que par la prise en considération des réalités sociales, et qui comme tous les humains ont tendance à ignorer c qui dépasse, à occulter ce qui les dérange.

Cette chute commencera donc par les ruptures d’électricité qui mettront l’entreprise du narrateur au coeur de la tourmente… en particulier lui d’ailleurs, devant se positionner comme un protecteur du groupe. Elle sera marquée aussi par les différentes nouvelles de sa famille, qui, comme tout le monde, subiront les contre-coups de cette colère mondiale. Mais ce ne sont pas les seuls éléments qui partent de travers, et la résultat de la mission sur Mars reste pour moi un des passages les plus emblématiques de ce récit.

Une dystopie ultra-capitaliste

L’Obscur est donc une dystopie dans un futur ultra capitaliste. Le choix d’un personnage distant de la société de l’image, voire loin de cette volonté d’avoir toujours plus permet de faire caisse de résonnance sur la vacuité de ce futur. Nous suivons la déchéance d’un monde qui aura voulu tirer plus que ce qu’il est possible de notre planète à l’agonie.

Le texte est fort, bourré de punchlines et ne nous laisse que peu d’espoir sur le devenir de notre société. Comme une anecdote, le rapprochement amoureux de notre narrateur dans un monde en pleine explosion apparait comme un anachronisme… dans un nouveau monde où la survie est centrale.

Un roman d’un auteur que je ne connaissais pas et qui mériterait d’être plus connu.

Folio SF (Février 2022) – 211 pages 7,60€ – 9782072941047
Couverture : Aurélien Police

Dans un futur très proche, le capitalisme poussé à son paroxysme régit la vie de tout un chacun. Partout sur la planète, les citoyens ne sont plus que des workers vivant dans la crainte permanente d’être requalifiés, c’est-à-dire licenciés. Les anglicismes et néologismes ont subrepticement envahi le langage, la technologie et les médicaments ont remplacé les interactions sociales, la culture est devenue divertissement. Tandis que catastrophes naturelles et coupures d’électricité paralysantes se multiplient à travers le monde, un petit groupe de Happy few a trouvé refuge sur des îlots artificiels tenus secrets du grand public. La révolte sociale gronde. À Lausanne, notre narrateur, un mathématicien brillant mais socialement inadapté, tente de trouver un sens à son quotidien. Jusqu’au jour où tout bascule…


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