L’oeil du Héron est un roman d’Ursula Le Guin qui date de la fin des années 1970 et nous emmène sur une planète qui servi de lieu de déportation pour la Terre. Ce court roman, moins de 200 pages, montre tout le talent de l’autrice dans la construction d’une science-fiction sociale et politique.

Une société qui s’est reconstruite…

Tout commence par le retour d’une équipe envoyée par la communauté afin de trouver un lieu où s’installer de façon plus confortable et permettant à la population pacifiste de pouvoir vivre dans de meilleures conditions. Si un des membres n’a pas survécu à la recherche, c’est bien avec de bonnes nouvelles que les émissaires reviennent : ils ont trouvé un lieu idéal pour s’installer et pour développer leur population.

Pour autant, tout n’est pas gagné, puisqu’il va falloir convaincre les citadins de les laisser partir, alors même que ces idéalistes, résidant dans la zone, sont la principale source de main-d’oeuvre pour alimenter l’énorme ville.

… après que deux populations aient été déportées

Victoria, planète sur laquelle nous nous trouvons, est très éloignée de la Terre et elle a subi deux vagues d’immigration. La première vague a été celles des détenus, de ces personnes qui n’était plus acceptée sur Terre et qui ont donc été condamné à fonder une nouvelle colonie bien loin de notre société. Brigands, voyous ont donc fait de la planète leur nouveau chez eux, gardant cette culture de la violence.

Ils sont pris dans le même engrenage de violences qui les a déjà conduits sur cette planète, rétorqua-t-il. Pas nous. Si nous adoptons tous ensemble une position ferme, ils verront notre force et s’apercevront qu’elle dépasse la leur. Ils commenceront à nous écouter, et peut-être à se libérer eux-mêmes.

Mais ce n’est pas la seule population dont la Terre a fait le choix de se séparer puisque ce sera au tour d’utopistes de se retrouver à voyager sans espoir de retour sur Victoria, créant un décalage majeur entre la violence des primo-arrivants et le pacifisme des seconds.

Le résultat, même quelques générations après, est une forme de soumission des zonards vis-à-vis des citadins qui ne sont pas prêts à assurer la relève de ceux qui pourraient s’installer loin de la zone.

Les deux populations sont donc sur le fil du rasoir, entre volonté d’obtenir ce qu’ils croient être leur dû et le respect de leurs convictions. D’un côté Lev – dans la Zone – tient à maintenir la pression qui leur permettra demain de partir et de pouvoir améliorer leur condition de vie. De l’autre côté, Luz, la fille d’un des grands chefs de la ville ne se retrouve pas dans la société telle qu’elle est construite.

Mais pourront-ils trouver un terrain d’entente qui leur conviendrait à toutes et tous ?

Une bonne entrée en matière.

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas les écrits d’Ursula Le Guin, ce court roman est une bonne mise en bouche. Elle montre les différentes voies qui peuvent exister pour lutter contre une société autoritaire.

Le récit s’appuie sur des personnages de toutes générations, permettant de réfléchir aussi au poids de l’histoire, et surtout des personnages qui sont complexes et loin d’être manichéens.

On regrettera, comme c’était le cas dans Nous sommes la poussière les coquilles dans le texte…

Les Moutons électrique (Décembre 2023) – 188 pages – 22 € – 9782361/38904
Traduction : Isabelle D. Philippe (Etats-Unis)
Titre Original : The Eye of the Heron (1978)
Couverture : Melchior Ascaride

Les deux communautés ont été jadis déportées sur cette planète éloignée de la Terre : l’une à cause de sa contagion pacifiste, l’autre de sa soif de pouvoir et de violence. Les contestataires utopistes de la Zone réussiront-ils à échapper aux foudres répressives des orgueilleux citadins ? Le pacifisme et la non-violence tels que les prônait Gandhi sont-ils suffisants ?