La plupart des romans (et des nouvelles, ne soyons pas sectaires) autour de l’avenir de la planète ne sont pas encourageants. Aux catastrophes climatiques, succèdent des catastrophes climatiques, dont les conséquences pour l’humanité sont catastrophiques pour ne pas dire mortelles. De son côté, Fabien Cerutti nous propose avec Terra Humanis, publié aux éditions Mnemos, et comme il l’affiche lui-même un Récit d’un XXIe siècle utopique. Servi par une magnifique couverture de Laure Wilmot, nous plongeons sur plusieurs dizaines d’année dans un futur qui semble un peu plus sympathique que les promesses actuelles…
Une jeune fille au cœur d’un mouvement…
Pour tenter de sauver la planète, une jeune femme en fer de lance, cela ne vous rappelle rien ? Pourtant, Rebecca Halphen, notre héroïne et Greta Thunberg, la militante écologiste qu’on ne présente plus, n’ont finalement pas grand chose en commun. L’histoire de Rebecca est celle d’une jeune fille surdouée (il est question de son QI à un moment) que sa mère veut protéger d’une société qui l’aurait marginalisé.
Dès les premières pages, nous savons comment va finir son histoire avec Luc Lavigne, son mari, puisque le deuxième chapitre nous projette en 2109, alors même que ce dernier a demandé son euthanasie. Vous l’aurez compris, l’important sera donc dans le roman la route que suivront les personnages plus que la destination.
La jeune fille donc, aux capacités intellectuelles très avancées, va rapidement avec certain·e·s de ses camarades s’intéresser à l’avenir de la planète et va fouloir se servir de ses talents pour développer une stratégie pour sauver notre planète. Réussissant au sein de ses études à s’entourer d’un réseau d’étudiant·e·s venant de différents pays (en tout cas de pays qui pèsent dans les décisions politiques), elle va tenter d’infléchir la fuite en avant écologique que nous vivons.
… apolitique et incitatif…
Le mouvement Terra Humanis est né et va se positionner comme un mouvement totalement apolitique, ce qui pourra surprendre le lecteur / la lectrice : il est assez fréquent de lire que l’écologie EST politique, le choix de Fabien est ici de prendre l’axe neutre sur le sujet. L’objectif du collectif (à défaut d’autres termes) ? Contribuer non pas à enrayer le réchauffement climatique car il est quasiment impossible aujourd’hui de le stopper à courtes échéances mais à tout le moins, ralentir la fuite en avant de façon à avoir le temps de trouver des solutions plus pérennes.
.. leur simple existence confirmait qu’unir la totalité de l’humanité sur le chemin du salut tenait de l’utopie. Trop d’individualités, trop de points de vue différents, trop de cynisme, trop de divergences, trop de cultures, de croyances, de certitudes.
Pour réussir à embarquer les populations, Fabien imagine une campagne massive sur les réseaux sociaux avec cette certitude que les principaux et principales acteurs et actrices de ce mouvement seront les jeunes. Le récit va donc nous permettre de voir le développement de ce collectif, le développement des nouvelles technologiques qui seront potentiellement des leviers de ralentissements du réchauffement planétaire (Reforestation massive, minage des astéroïdes, …), avec l’espoir de pouvoir infléchir ce destin qu’on nous promet.
… dans un contexte politique et social complexe.
C’est un des points qui posera nécessairement question… Le roman n’est il pas trop utopique et n’oublie-t-il pas totalement cette dimension politique et sociale qui pèsera naturellement dans les prises de décision ? La réponse est non. Avec beaucoup de justesse, Fabien prend en compte les enjeux géopolitique (je suspecte que son travail de professeur d’histoire-géographie l’aide un chouia) avec notamment les tensions entre la Russie et l’Occident, les pays émergents et les pays dit riches, …
Si le roman traite bien d’une utopie, ne vous attendez pas non plus à vous retrouver dans une histoire lisse et sans accroc. La vie de Rebecca et Luc sera marquée d’événements terribles, de choix difficiles avec toujours cet objectif du bien commun. Il y sera souvent questions de doutes, et les difficultés vont s’enchaîner avant d’avoir un résultat.
Le format du roman nous permet de rester éveillé, avec des sauts dans le temps (présent et passé) pour resituer des éléments qui nous permettront d’appréhender les enjeux et l’histoire des différents personnages. Le tout est rythmé, et nous donne un peu d’espoir quant à un possible avenir.
Je mettrai néanmoins un bémol sur la dernière partie du roman que j’ai trouvé totalement hors-sol et qui m’a laissé dubitatif. Je n’ai compris ni l’intérêt ni le lien de cette rencontre avec le reste du récit.
Un roman d’été à lire, à un moment où la canicule commence !
Mnemos (Juin 2023) – 286 pages – 20 € – 9782382670729
Couverture : Laure Wilmot
Aux côtés de la jeune et brillante Rébecca Halphen, de Luc Lavigne, son mari, et de la dizaine d’étudiants internationaux qui composent leur groupe d’amis, Fabien Cerutti nous propose de vivre jusqu’en 2109 le destin haletant, profondément humain et tumultueux, de Terra Humanis, un mouvement politique planétaire dont l’objectif est de faire dévier notre XXIe siècle de la trajectoire dystopique qu’il semble destiné à suivre. Particulièrement en matière climatique.