Retrouvez l’actualité des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction, Fantastique, Fantasy, et autre) ainsi que des interviews de celles et ceux qui les construisent.

Rendez-vous demain de Christopher Priest

,

J’avais eu la chance de pouvoir interviewer Christopher Priest il y a quelques années et j’avais été impressionné par ce grand monsieur de la SF à qui l’ont doit notamment Le Prestige ou, plus récemment, Conséquences d’une disparition. La parution chez Denoël, dans la collection Lunes d’Encre d’un nouveau roman de l’auteur ne pouvait être qu’une bonne nouvelle.

Deux fois deux jumeaux dans deux époques

Le récit de Christopher Priest se situe à deux époques bien distinctes, à environ 150 ans de distance et vont suivre dans chacune des époques des jumeaux.

A la fin du XIXe siècle, nous suivons Adler et Adolf Beck, norvégiens de naissance et orphelins de leur père disparu lors d’une expédition dans les montagnes, et plus précisément par le Jostedalsbreen. Les deux jumeaux sont radicalement différents dans leur caractère et dans leurs trajectoires. Adler est totalement attiré, comme l’était son père, par le métier de glaciologue, probablement plus touché par la disparition de la figure paternelle que son frère Adolf (qui préfère qu’on le nomme Dolf). C’est donc pour poursuivre cet objectif et mieux comprendre les phénomènes de glaciation qu’il part à Londres étudié et faire des recherches. Pendant ce temps, Dolf s’oriente vers une carrière de Ténor, avec, il faut l’avouer des débuts difficiles… D’autant plus difficile que son nom sera rapidement lié à une affaire d’abus de confiance sur des veuves… mais nous en reparlerons plus tard.

2050, l’ambiance est totalement différente et le monde est désormais dans une crise climatique majeure. Dire que cela était évitable ne changera rien à la réalité de ce futur décrit par Christopher, un futur où le niveau de la mer a augmenté et où les températures sont peu supportables. Deux autres jumeaux vont occuper le terrain. Charles Ramsey – dit Chad – est un civil qui travaille pour la police en tant que profiler. Son équipe prend le temps de reprendre les affaires qui sont un peu limites pour essayer de définir un profil psychologique et de révéler ou tenter de révéler qui pourrait être le coupable. Son métier ne l’enchante pas des masses mais soit, il le fait avec sérieux, au point de se faire greffer une plaque dans le crâne lui permettant d’échanger plus rapidement. Pourtant, il va être licencier, la police ayant d’autres priorités que de trouver les vrais coupables. Son frère jumeau, Gregory, travaille pour la presse et, tout comme son frère, subit les nouveaux objectifs de sa direction…

Un lien ténu entre les deux époques

Il est assez difficile de faire le lien entre les deux époques pendant une grande partie du roman. Bien sûr, les voix qui s’expriment dans l’esprit d’Adler et de Dolf seront rapidement identifié comme étant les voix de leur descendant Chad mais la raison de cette prise de contact n’est pas clair du tout. D’ailleurs, ma première impression était que cela était liée à la dimension climatique ou sur une réflexion associée au fait que les recherches d’Adler axe un avenir sur une période de glaciation (et vous comprendrez vite pourquoi 2050) là où la réalité décrite par Chad et Gregory est une augmentation des températures.

Mais le sujet est un peu plus sioux que cela et la discussion est bien plus sur l’histoire de Dolf et les possibles conséquences dans le futur : le fait que Dolf se soit retrouvé au tribunal sous le nom de John Smith pour de l’abus de faiblesse sur des veuves semble avoir des conséquences directes sur le travail de Gregory. Seul Chad peut aider son frère en tentant de comprendre ce qui s’est passé à l’époque.

Et la force de l’histoire de Christopher Priest est justement de nous permettre de découvrir deux époques sans faire ce lien fort que nous imaginons tous comme acquis…

La découverte du mode de fonctionnement de cette police du presque-futur, et notamment de la façon dont ils vont intégrer de nouvelles technologies sans en mesurer les conséquences est assez épatant. Tout comme la vulgarisation d’un nouvel outil de communication, et ses tests en conditions réelles sur des cobayes qui ne se doutent pas forcément de ce que cela impliquera pour eux.

Et comme toujours dans ce que la science fait de mieux, la lumière électrique pouvait être employée par n’importe qui, y compris ceux qui n’avaient pas la moindre idée de la façon dont cela fonctionnait

Il est à noter que Christopher nous questionne sur ce que peut devenir la police demain : elle devient dans son récit centrée sur l’action, négligeant la réflexion, l’enquête, au profit de l’immédiateté de la réponse. Et il est évident que cette façon d’imaginer le futur fait écho à l’histoire de Dolf Beck / John Smith du XIXe… Cette histoire où la célérité de l’enquête entraînera des conséquences fâcheuses… Avec ce petit clin d’œil à l’histoire puisque le procès de John Smith a réellement eu lieu et a entraîné la création de la cour d’appel criminelle en 1907 !

La question climatique déjà présente au XIXe

Un des sujets qui est clef dans ce récit est la question climatique. A travers la vie d’Adler Beck, nous constatons que de nombreux travaux existaient déjà autour de ces thématiques bien avant que nous soyons dans l’urgence. Et à cela, nous pouvons constater la vacuité des réponses.

Les propos et les informations présentes sont comme je l’avais déjà constaté dans d’autres écrits de l’auteur creusées et documentées, ce qui peut rendre certaines thématiques complexes pour une personne peu intéressée mais apporte à mon sens beaucoup d’intérêt au récit.

Les explications autour de la glaciation, les flux marins et autres nous donnent un éclairage intéressant et nous permette de mieux comprendre…

En ce qui concerne la prise en compte globale, cette phrase résume assez bien la situation…

C’est ce que tout le monde pense. Considérer qu’il est trop gros pour être résolu a toujours été l’essence même du problème climatique.

J’ai englouti ce nouveau roman, avec le sentiment d’avoir un lu une histoire atypique.

Il est à noter que de nombreuses thématiques chères à l’auteur sont encore très présentes au-delà de la gémellité : la question du temps et de l’influence qu’on peut avoir dessus, l’usurpation d’identité et donc bien sûr la thématique climatique.

Denoël (Avril 2022) – Lunes d’Encre – 359 pages – 22,50 € – 9782207163689
Traduction : Jacques Collin (Ecosse)
Titre Original : Expect me tomorrow (2022)
Couverture : Anouck Faure

À la fin du XIXe siècle, le professeur Adler Beck étudie les glaciers et les changements climatiques liés à l’éruption des volcans, aux courants marins et aux cycles solaires. Après des années de recherche, il arrive à la conclusion que la planète subira un refroidissement majeur dans le courant du XXIe siècle.

Pourtant, en 2050, le climat ne cesse de se réchauffer et la montée des eaux semble inéluctable. C’est en tout cas ce que constate au quotidien Chad Ramsey, qui vient d’être évincé de son poste de profileur pour la police. Juste avant son licenciement, on lui a implanté dans le crâne un moyen de communication révolutionnaire. Il va s’en servir pour aider son jumeau, Gregory, qui cherche à en savoir plus sur un grand-oncle qui aurait fait de la prison il y a bien longtemps.

Cet ancêtre serait-il Adolf Beck, le frère jumeau d’Adler, qui aurait connu un certain succès sur les scènes d’opéra d’Amérique du Sud ? À moins qu’il ne s’agisse d’un dénommé John Smith, condamné à cinq ans de travaux forcés pour escroquerie en 1877 ? La vérité pourrait bien remettre en question les certitudes de Chad.


Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.