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Utopie Radicale d’Alice Carabédian

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Il n’est pas fréquent d’aborder sur le site des essais autour de la Science-Fiction. Pourtant, j’ai eu la chance de modérer une table ronde sur laquelle Alice Carabédian était invitée (vous pouvez l’écouter sur soundcloud ou spotify) et ai été curieux du contenu d’Utopie Radicale – Par-delà l’imaginaire des cabanes et des ruines édité chez Le Seuil.

Utopie versus Dystopie

L’Utopie prend racine comme beaucoup le sauront en 1526, lorsque Thomas More l’invente pour parler d’une société idéale dans Utopia. Il est à noter que deux mots avaient été créer à l’origine : Utopia pour décrire le lieu mais aussi Eutopia pour décrire le “Lieu du Bon”. On notera que seul le premier a réussi réellement à rester dans le vocabulaire populaire.

Il est assez intéressant, et c’est l’objet de cet essai, de montrer que l’utopie est un moyen de proposer des solutions alternatives et d’autres visions du monde en permettant de mettre toutes les options sur la table.

L’histoire de l’utopie ou des utopies (…) est l’histoire de l’émancipation.

Il faut reconnaitre que la plupart des oeuvres que nous voyons actuellement, tant d’un point de vue littéraires que télévisuelles ou cinématographiques, penchent beaucoup plus sévèrement vers la dystopie. Pour faire simple, il y a un glissement de la projection d’une société qui nous apporterait du “Bon” vers une société qui devient autoritaire, sous contrôle et se trouve donc plutôt dans l’avertissement des dérives possibles d’une société sans que nous intervenions.

Et on fait quoi ?

Une des grandes questions est de savoir ce que nous faisons de cet état de fait, et cette citation extraite du texte pose le débat.

Les dystopies classiques plaçaient l’ouverture utopique, l’espoir qu’il en soit autrement, en dehors des pages du livre. Winston Smith est détruit par Big Brother, mais nous autres bien à l’abri hors du livre, nous pouvons encore lutter et suivre l’avertissement formulé par Orwell.

Pour faire très simple, dans la fameux 1984 d’Orwell, l’idée était de nous alerter sur le sujet, avec cette volonté de nous réveiller et que nous prévenions cette destinée en nous y opposant, en réaction au récit. La réalité dépasse aujourd’hui la fiction et il est assez courant d’entendre les lecteurs voir dans 1984 un texte visionnaire… Nous avons rendu les armes.

La plupart des textes sont actuellement en mode dystopiques, nous promettant des sociétés pour demain que nous ne voulons pas et Alice Carabedian nous cite de nombreux exemples, parmi lesquels Black Mirror, La Servante Ecarlate ou encore Hunger Games.

Elle nous questionne surtout sur la capacité à (re)imaginer des vraies utopies, de nous pousser à réfléchir et à proposer des sociétés demain qui soit des sociétés qui soient bonnes pour l’humain·e et émancipatrice.

Cela fait aussi écho à de nombreuses demandes du lectorat d’avoir une SF plus positive, plus encourageante.

Les enjeux du futur sont connus : urgence climatique, monde du travail, interaction avec la faune et la flore, …. Et si au lieu de penser à tout ce qui peut se mal se passer, on envisageait de se concentrer sur les expériences que nous pourrions tenter ?

Utopie Radicale appelle à cette approche, et on ne peut qu’abonder dans cette démarche.

Seuil (Mars 2022) – 159 pages – 17 € – 9782021496826

Des événements qui, il y a peu, relevaient de l’improbable, de scénarios du pire, ou de la dystopie, sont désormais notre quotidien. La science-fiction est devenue notre réalité. Nous vivons dans un chaos qui s’intensifie même si, ici ou là, fleurissent sur les ruines du capitalisme des utopies concrètes, localistes et réalisables, des cabanes et des refuges. Mais ces utopies ne sont-elles pas souvent concédées, dans les marges, par ceux-là mêmes qui promettent la colonisation de l’espace et les cités autosuffisantes pour milliardaires ?

Il y a urgence à revendiquer des lieux où se déploieraient en totale liberté nos imaginaires. L’utopie radicale peut répondre à l’extrémité des désastres actuels et à venir. Nous pouvons et devons rêver de technologies et de rencontres intergalactiques émancipatrices et ne pas laisser ce pouvoir aux seuls capitaines des vaisseaux capitalistes.

Face à la catastrophe, oserons-nous rêver d’autres mondes ?


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