Retrouvez l’actualité des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction, Fantastique, Fantasy, et autre) ainsi que des interviews de celles et ceux qui les construisent.

Vive le feu de Christophe Siebert

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Cycle de Mervecgorod

Depuis quelques années maintenant, Christophe Siebert nous fait découvrir la République Indépendante du Mervecgorod et chaque nouvelle histoire nous montre un aspect de cette société devenue ultra-libérale après avoir été pendant des années sous le joug soviétique. Je ne vais pas à nouveau vous -(re)présenter ce pays imaginaire, je vous laisse regarder la synthèse présente sur la chronique de Hram paru cette année.

Dans Vive le feu, paru aux éditions Zone 52 (éditeur que je découvre par la même occasion), nous nous retrouvons dans nos années et non dans le futur et, bien que la cité soit totalement imaginaire, le récit tient largement plus du thriller que de la SF… Pour autant, son rattachement au cycle justifie sa présence en nos pages (et puis on chronique ce qu’on veut :))

Une femme divorcée isolée…

Masha est une femme divorcée qui est donc une habitante du RIM. La vie de Masha se passe, jour après jour, dans une lenteur et une répétition qui ne fait que renforcer son sentiment de solitude. Rapidement, nous voyons que la vie ne lui fait aucun cadeau qui en plus du divorce va perdre son travail et entrer dans une spirale négative qui la conduira, entre autre, à l’alcoolisme et à la prise d’anti-dépresseurs.

A quel moment peut-on considérer qu’on a raté sa vie ? A quel moment doit-on se dire qu’il n’y a plus rien à faire, aucun choix pertinent, que chaque action ne sert qu’à esquiver l’essentiel, c’est-à-dire qu’on devrait être mort ? A quel moment les choix et les événements ne sont plus que bégaiements et radotages, sillons abîmés d’un disque sans fin ? A quel moment a-t-on le droit de se dire que c’est fini et que la seule chose raisonnable est de laisser tout fuir sans plus rien colmater ? Que ça n’est plus la peine ‘avoir des ambitions, des désirs, des projets ? A partir de quel niveau de désespoir est-on autorisé à considérer que l’avenir est fini ?

Rien ne semble aller, et rien ne va. La société n’a que faire des gens comme elle et la dépression arrive comme de bien entendu. Alors, elle essaie de s’occuper, elle essaie de survivre, elle essaie d’exister. Elle va notamment s’inscrire sur un site de rencontre, pour espérer, pour tenter de faire partie de ce monde qui la laisse depuis trop longtemps sur le bord de la route. Elle va faire une rencontre, la rencontre d’un adolescent qui, comme elle, n’est pas à sa place, un adolescent qui a envie de laisser une trace dans l’histoire.

… qui apporte un éclairage sur une misère invisible

Cette rencontre se révèle être cruciale, pour les deux, dans une volonté de prendre une revanche sur la vie, une revanche violente. La revanche de ceux qui sont invisibles aux yeux des autorités. Ils sont nombreux, comme Masha, à vivre en marge du bonheur, à chercher un sens à notre vie. Ce que Christophe nous propose de découvrir dans ce court roman n’est rien moins que le quotidien d’une frange de la population, vivant au travers d’émissions de téléréalité ou de réseaux sociaux qui n’ont de social que le nom.

Alors Masha se laisse entraîner, toujours plus loin dans des actions qui pourraient justifier son existence, actions qui permettront de mettre en lumière sa réalité et celle de Pavel. Sa relation avec le jeune garçon est une relation contre-nature tout en restant platonique, la rencontre improbable de deux âmes meurtries.

Avec toujours le même talent, l’auteur nous fait ressortir toute la dureté de la vie de ses personnages, soignant leur psychologie et l’évolution de leur interactions. Un roman encore une fois glaçant de réalisme.

Editions Zone 52 (Juin 2023) – Karnage – 156 pages – 10 € – 9782492297113
Couverture : Will Argunas

Nous avons discuté toute la nuit en picolant, comme la veille. Je commençais à comprendre où il voulait en venir et quel serait mon rôle. Son plan morbide et sans espoir ne manquait pas d’allure. Il creusait son chemin dans ma tête. En réchapper n’était pas prévu. Ca tombait bien : je ne voulais pas vivre.
J’avais envie de lui. Ce désir ne me quitterait pas et ne serait jamais assouvi, je le savais. Ce qui nous reliait c’était le sentiment que l’avenir ne tient jamais qu’à la pourriture, la tristesse, la déception et la mort, notre contrat moral parlait de destruction, pas de construction, le sexe n’y prenait aucun part. Il n’avait pservi qu’à initier notre rencontre.


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