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Carnum de Christophe Carpentier

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Nous avions découvert l’année dernière L’Homme Canon de Christophe Carpentier dans lequel le société de l’immédiateté avait exacerbé avec la promesse de l’auteur d’avoir d’autres titres sous cette forme de dialogue oh combien originale. C’est donc le tour de la société de consommation d’être dans le viseur avec Carnum, toujours aux éditions Au Diable Vauvert continuant donc ce que l’auteur regroupe sous l’ensemble Théâtre du Plausible en attendant Shelter (et j’avoue l’attendre avec impatience).

Tout n’est qu’offre et demande

Le nouveau récit de Christophe nous emmène cette fois-ci sur le terrain du capitalisme et du libre échange. Tout commence par une lassitude de Jérôme, homme d’affaires qui a réussi à développer avec succès une entreprise de transport mais qui nous fait une petite crise de la quarantaine, se traduisant par une séparation conjugale et un retrait de ses affaires.

Mais la visite d’une chirurgienne va le faire sortir de cette dimension un peu triste et lui faire reprendre du poil de la bête grâce à une idée qui va faire son chemin : rendre le cannibalisme possible, en s’appuyant d’abord sur des donneurs volontaires (moyennant finances, cela va sans dire) et des consommateurs au fait de ce qui pourrait devenir une nouvelle mode.

Car voyez-vous, et cela en dit long sur le degré de civilisation que notre Nation pense avoir atteint, l’anthropophagie n’est ni envisagée, ni punie en tant que telle dans nos textes de loi ; elle est juste considérée comme une circonstance aggravante dans un cadre criminel.

Alors qu’il se sentait un peu frileux dans les premiers temps – et on le serait à moins – Jérôme finit par penser que cela est une vraie opportunité de développer quelque chose d’innovants et de bousculer les lignes. De son expérience précédente, il connait les leviers qui permettront à l’activité de devenir rentable par appui sur son réseau de patrons.

Rapidement, la situation deviendra compliquée et hors de contrôle.

Un récit empreint de cynisme…

Comme pour l’Homme-Canon, nous voyons ici tout un pan de notre société mise en lumière. Difficile de dire dans quelle mesure Christophe voulait faire passer certains messages – rappelez vous que, comme il l’a expliqué dans l’interview – la morale dépend aussi du lecteur.

Toujours est-il que j’y ai lu une critique de la société de consommation en premier lieu, de façon relativement évidente. Jérôme et Edwige ont la volonté de créer LE produit de demain s’affranchissant comme d’autres grandes entreprises de la morale mais aussi des lois des pays.

Heureusement il règne ici une franche camaraderie et un consensus marchand qui garantissent la tendreté des tissus.

Car le cynisme réside dans l’interprétation que nous pouvons faire des lois et des règles de vie, comme le montre cette réflexion sur le caractère légal de l’anthropophagie tant qu’elle n’est pas qu’une partie d’un acte criminel. Cette lecture est celle de nombreux groupes qui se cachent derrière l’interprétation de la loi pour permettre d’agir d’une façon qui n’est sans nul doute possible moralement discutable.

Autre axe de réflexion aussi que nous propose l’auteur concernant le côté “libre choix” : nous constatons rapidement que les volontaires à la donation ont tous une particularité commune… Ils ont des besoins financiers : difficile de parler de libre arbitre lorsque la situation financière et la survie du foyer peuvent se trouver améliorée par le don d’une partie de son corps. Alors qu’à l’autre bout, les seul·e·s à pouvoir profiter de cette nouvelle alimentation font partie d’une classe aisée.

Dernier axe dont je voudrais parler – et qui m’a semblé ressortir – est bien entendu notre rapport à la viande. Beaucoup de discussion tourne autour de notre dépendance à la viande (ici humaine mais la transposition est ici facile à faire) que ce soit en terme de traitement de l’animal à l’origine (un bon traitement permet une viande de meilleure qualité) ou encore du moyen de s’en détacher (et là je vous laisse découvrir la vision de Christophe)

En conclusion, ce nouveau roman-dialogué amène une vraie réflexion sur notre société de consommation et notre rapport à l’alimentation carnée, dans une forme originale et toujours avec ce ton humoristique et cinglant qui était déjà présent dans L’Homme-Canon.

Je suis sûr que l’auteur saura trouver de nouvelles thématiques pour aller au-delà des 3 titres qu’il envisageait, et si c’est le cas, cela présage de bons moments de lectures.

A noter que pour certains aspects (et notamment rapport à l’animal que nous mangeons), cela m’a fait penser à Macha ou le IVème Reich de Jaroslav Melnik.

Carnum est un des deux titres mis en avant par Au Diable Vauvert dans le cadre du mois de l’imaginaire… et à juste titre !

Au Diable Vauvert (6 octobre 2022) – 188 pages – 18,50 € – 9791030705560

Certains qu’il y a une place en 2022 pour un cannibalisme librement consenti, une chirurgienne et un entrepreneur de renom décident de commercialiser de la viande humaine.
Denrée fort addictive, sa consommation va rapidement menacer l’équilibre d’une humanité déjà vacillante.


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