La collection Une Heure Lumière du Bélial nous avait permis de découvrir la trilogie de la Maison des Jeux de Claire North. En cette nouvelle année, c’est au tour d’une autre novella de l’autrice que nous avons rencontré durant les Utopiales qui nous est proposée : Sweet Harmony aurait été un très bon scénario pour un Black Mirror.

La santé est un produit comme un autre…

Deux éléments de notre société moderne sont à prendre en considération… La première, les nanotechnologies, et autres intelligences artificielles sont de plus en plus présentes dans le domaine de la santé. Il est désormais fréquent que les nouvelles technologies permettent des prouesses médicales de plus en plus pointues et, parfois, avec peu d’intervention humaine. La seconde, notre société de consommation n’a jamais proposé autant de services, d’abonnements auxquels tout à chacun peut s’abonner.

Alors, ce que nous propose Claire North n’est rien moins que la fusion de ses deux réalités : la santé est un produit comme un autre. Le développement des nanotechnologies et l’importance qu’elles ont pris dans le traitement des maladies ont permis à des sociétés du privé d’en faire un marché lucratif, bien loin du serment d’Hippocrate. Essentiel dans la détection d’AVC, permettant d’anticiper les risques cardio-vasculaires, les nanos vont permettre d’aller beaucoup plus loin en permettant de gérer la digestion et de prévenir l’obésité, d’agir sur les dents et prévenir les caries, vont jouer sur les hormones pour gérer la libido, … Toute une gamme de service qui vous ai directement accessible.

Ceci est la gastroentérite. La patiente, quand elle vomit, est incapable d’empêcher ses sphincters de s’ouvrir simultanément. Ses selles liquéfiées portent le virus, lequel infectera quiconque viendra à son secours

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Plus que tout, la publicité, omniprésente, vous incite à prendre de nombreuses options, qui vont s’ajouter au coût mensuel de votre abonnement. Un abonnement dont l’engagement vous lie de nombreuses années avec un fournisseur, tel Fullife.

… et Harmony, une cliente comme une autre…

Harmony Meads se réveille un matin avec bouton sur le menton, un bouton qui ne devrait pas être là vu la quantité d’options qu’elle a prise chez son prestataire de santé. Mais il est là et bien là et ses appels à Fullife vont lui faire comprendre que la situation lui échappe : la cause du bouton n’est rien moins qu’une suspension de son abonnement pour un défaut de paiement.

Pourtant, tout semblait lui réussir, et notamment sa carrière, en tant qu’agente immobilière, mais la défaillance de son corps, au travers de ce petit défaut dermatologique pourrait tout remettre en cause. Elle va donc tenter de renverser la vapeur et de trouver une solution pour pouvoir rembourser sa dette au plus tôt pour retrouver une vie et une hygiène de vie qui correspond à son standing.

Rien ne semble pourtant moins sûr tant la dette est importante et que les leviers de solution sont faibles.

Nous comprenons rapidement que la jeune femme s’est fait entraînée, comme nombre de contemporains, dans un endettement de plus en plus marqué, résultat d’une société qui nous pousse de plus en plus à la consommation. Chaque option ne semble être qu’anecdotique, l’emprunt accessible d’un simple clic et les contrats rapides à valider.

Le texte est violent, frappant de réalisme d’une société qui est dans une vraie fuite en avant, donnant toujours plus en plus de pouvoirs aux sociétés privées et incitant chacun de ses membres à consommer… La réalité est d’autant plus marquée dans cette novella où l’impératif de beauté – ou plutôt de standardisation de la beauté – pressurise de façon marquée les femmes, et, dans une moindre mesure.

Bien d’autres sujets sur ce récit de 160 pages pourraient être mis en avant, à commencer par la dégradation des institutions médicales qui ne deviennent que des promoteurs de solution du privé, et des VRP de produits de consommation médicale.

Nous pourrons parler aussi de la place qu’a eu Harmony au sein de son couple, les déviations qu’elle a accepté par poids sociétal d’un homme qui voulait la transformer.

Bref, un récit tout simplement glaçant et qui nous hurle au visage de reprendre le contrôle sur notre consommation !

Le Bélial (Janvier 2024) – Une Heure Lumière – 159 pages – 11,90 € – 9782381631110
Traduction : Michel Pagel (Angleterre)
Titre Original : Sweet Harmony (2020)
Couverture : Aurélien Police

Londres. Bientôt.
Jeune et belle, Harmony Meads est promise à un avenir radieux. Sa carrière d’agente immobilière pour yuppies file vers les sommets, et le couple qu’elle forme avec Jiannis fait sensation dans les soirées les plus courues de la City. Pourtant, Harmony a un problème. Là. Sur le menton. Juste un petit bouton. Pas méchant, trois fois rien, mais bien là. Or, ce bouton est une impossibilité. Ses nombreux abonnements à Fullife, son fournisseur de santé, assurent le parfait réglage de ses nanos, et sa kyrielle d’extensions — Derméclat, Réveil en Beauté, Fraîche et Guillerette, Fini le Dentiste, Puissant Maintien, Prenez le Contrôle — garantissent à Harmony l’éclat d’une jeunesse insolente, et une efficience maximum en toutes circonstances. Certes. Mais alors, ce bouton ? Ne pourrait-il pas s’avérer un symptôme ? Car être la meilleure version de soi-même a un prix. Un prix élevé, à vrai dire… Pour Harmony Meads, il se pourrait que l’heure de s’en acquitter ait sonné.