Tonnerre après les ruines est le dernier roman de Floriane Soulas aux éditions Argyll, à qui l’on doit notamment Rouille, Les noces de la renarde ou encore des nouvelles comme Planète 9 dans Nous parlons depuis les ténèbres aux éditions Goater ou Projet Cérébrus dans Par-delà l’horizon aux Editions ActuSF. Dans ce nouveau roman, l’autrice nous plonge dans un monde post-apocalyptique, où deux personnages tentent de trouver leur place…
Un monde post-nucléaire…
En tout cas, c’est ce qui semble correspondre le plus à ce que nous découvrons au travers des yeux de Férale et de Lottie. Dès le premier chapitre, nous comprenons que le monde dans lequel évolue les deux femmes est dangereux et la survie est une question quotidienne. Les survivant·es et habitant·es de ce demain peu riant doivent faire face à de nombreuses difficultés et menaces à leur vie. Tout d’abord, les maladies pour lesquelles peu de solutions existent, qui a pour première conséquence de rendre les yeux jaunes… Mais surtout, ce sont les mutations induites par les radiations qui ont changé la face du monde. De nombreuses créatures ont surgi, agressives, violentes et surtout dotées d’une force phénoménale.
Alors, dans le cadre des déplacements, les caravanes se font accompagner par des défenseurs et défenseuses, des mercenaires en quelque sorte qui vont leur permettre de garantir leur sécurité et combattre leurs éventuels agresseurs.
C’est ce que font Lottie et Férale, qui se sont rencontrées dès années plus tôt alors que Férale était enfermée dans une cache, jouant le rôle de Freaks pour un cirque. Et c’est au travers de leur voyage en compagnie d’une troupe de théâtre que nous découvrons cet univers si particulier. Le duo semble marcher très bien entre la capacité de Férale à sentir à distance le danger par des Malbêtes – nom donné aux créatures – et Lottie et sa force de combat.
… pour une quête d’identité…
Pourtant, cette vie ne semble pas totalement convenir à Férale qui se trouve en marge de la société… Elle n’est pas une « femme » comme les autres, son apparence, ses talents et sa capacité d’expression la mette clairement du côté des mutants. Néanmoins, contrairement aux autres Malbêtes, elle n’a pas l’agressivité, elle est capable de contrôle ce qui la positionne dans un entre deux qui la questionne.
Du côté de Lottie, nous sentons une histoire personnelle complexe, probablement liée à l’introduction du roman et à cette fuite d’un lieu semble-t-il protégé. Lottie, qui se révèle être la seule personne à comprendre Férale et surtout la seule en mesure de lui fournir l’alimentation dont elle a besoin.
La relation entre les deux femmes est forte, très forte et cette amitié semble indestructible. Jusqu’à ce que l’existence de Tonnerre soit révélée à la mutante. Voulant comprendre ce qu’elle est et surtout savoir si elle peut en être guérie, elle prend la décision de se rendre dans cette cité où les médecins travaillent à comprendre les mutations génétiques et à tenter de soigner les mutants comme elle. Face à la réticence de Lottie, des dissensions apparaissent sans pour autant influencer la décision de Férale.
… et beaucoup de questionnements !
Le roman de Floriane nous interpelle à bien des niveaux à commencer par la raison de ce futur désenchanté. Dès les premières pages du récit, nous nous sentons étouffés par l’atmosphère et j’avoue que j’imaginais assez facilement un ciel aux couleurs jaunes, des températures élevés, bref, un endroit où je n’aurai pas aimé être présent. Savoir comment le monde en est arrivé là – même si rien ne nous affirme que nous soyons sur Terre – est une question que nous nous posons mais pour laquelle nous n’obtiendrons aucune réponse, car là n’est pas le sujet.
Deux thématiques m’ont semblé importantes. La première est la figure du monstre, qui est omniprésente, avec l’existence des Malbêtes qui semblent ne pas être en mesure de contrôler leurs instincts ou encore par le personne de Férale en elle-même. Il est difficile d’identifier quelles sont les créatures qui sont issues d’une manipulation génétique de celles qui sont victimes de mutations génétiques liées à l’environnement et, associer à cette question, comment définir l’humanité dans ce monde ? Comme bien souvent, et c’est une phrase type que l’on peut mettre autour de plusieurs romans traitant de la monstruosité, les monstres ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
La deuxième thématique est celle de la science, une science que nous découvrirons en même temps que Férale découvrira Tonnerre. Cette science est devenue quasiment religieuse, centre de toutes les attentions et unique espoir d’un futur meilleur. On se remet à la science, malgré les échecs, comme on s’en remettrait à un Dieu, espérant souvent bien plus que ce qui semble possible. Et de ce fait, on pourra s’interroger jusqu’où il est possible d’aller au nom de la science et donc sur l’éthique qui lui est associée.
Pour conclure, le nouveau roman de Floriane Soulas aborde de nombreuses thématiques, très centrées sur les personnages de Lottie qui rejette ses origines et Férale qui souhaiteraient les connaître, un récit qui nous parle aussi de l’amitié et de résilience.
Argyll (7 octobre 2023) – 528 pages – 25,90 € – 9782492403996
Dans un monde en déliquescence rongé par les difformités et les maladies, Férale est un monstre – du moins, les autres l’ont toujours traitée comme tel. Tous, sauf Lottie, qui l’a sauvée et lui a appris à survivre à travers les plaines de cendre. Ensemble, elles protègent les quelques caravanes qui rallient encore les derniers bastions de l’humanité.
Jusqu’au jour où Férale entend parler de Tonnerre, une cité close où des chercheurs travailleraient à comprendre les mutations génétiques, et mieux, à les guérir. Là-bas, il y aurait aussi des gens comme elle, dotés d’yeux jaunes et poussés par une faim… insatiable. Et si dans un premier temps Lottie refuse de gagner la ville qui l’a vu naître, fuyant un passé qu’elle préfèrerait oublier, les événements vont en décider autrement.
Des ruelles poisseuses d’un gigantesque bidonville aux entrailles froides d’un complexe scientifique, les deux femmes vont croiser les différentes factions en place, autant de visages d’une humanité qui, au milieu des décombres, aspire plus que jamais à trouver sa place…